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chronique - Générations

Ah ! Si j'étais riche

Jeune femme souriante discute au téléphone tout en consultant sa tablette dans son atelier

Générations

Quand une millennial explore le rapport au travail des différentes générations.

"Comment ça va, le boulot ?" me demande mon père au bout du fil. Friande de partager mes aventures d'entrepreneuse avec lui, je lui raconte mon dernier rendez-vous professionnel avec un prospect, et lui explique que la mission n'a pas l'air trépidante. "Mais ça paye bien ?" réplique-t-il. Oui, ça paye bien, papa. "Alors c'est bien, fonce. Il faut bien payer les factures."

Cette discussion, nous l'avons eue des dizaines de fois. Et à chaque fois, nous tombons tous deux dans le fossé générationnel qui nous sépare. De son côté de l'abîme, il me parle de "job alimentaire". Du mien, je lui assène que "certes, mais je préfère manger des patates à répétition plutôt que de m'ennuyer dans mon métier".

Mais aujourd'hui, je ne lui réponds rien de spécifique. Je me demande juste s'il s'agit bien d'un fossé générationnel ou bien d'une divergence d'opinions individuelles. Que disent donc les chiffres sur le sujet ?

La dernière étude à date que j’ai pu trouver date de l’année dernière, et est issue de l’APEC. Et elle n’a pas fini de me montrer que le fossé des générations n’est peut-être finalement qu’une simple mare aux canards.

L’étude demande à différentes tranches d’âge ce qui est le plus important à leurs yeux dans leur vie professionnelle. Et, que ce soit pour les 18-29 ans, pour les 30-44 ans, ou pour les 45-65 ans, le résultat est le même : 55 % des répondants indiquent qu’il s’agit du fait “d’avoir des revenus réguliers / élevés”. Sur les deux autres places du podium trônent, quasi à égalité entre les différentes générations, le fait “d’avoir un travail intéressant”, puis “l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle”.

Là où l’argent ne semble pas faire le même bonheur entre les différentes générations, c’est lorsqu’on s’intéresse à la fameuse notion de “travail alimentaire”, dont mon père me parle souvent. D’un côté, 35 % des baby-boomers privilégieraient la sécurité de l’emploi (étude Zety). De l’autre, les experts annoncent une vague de démissions de Millennials et de Gen Z pour 2025… parce que les jeunes s’estiment sous-payés.

Les jeunes seraient-ils donc plus attachés encore à leur rémunération que leurs aînés ? Il semblerait que oui - mais un biais d’analyse semble intéressant à mentionner : l’âge des personnes lorsqu’elles ont été interrogées pour ces différentes enquêtes. Nos aînés seraient-ils plus attachés à leur rémunération parce qu’ils sont déjà parents de grands enfants ? C’est ce vers quoi l’étude Zety semble pointer lorsqu’elle montre que ce qui motive les boomers à travailler c’est avant tout “les responsabilités familiales”, à 27 %.

Alors, si l’on avait interrogé les boomers avant qu’ils ne fondent une famille, auraient-ils été moins frileux à quitter une entreprise qui ne les payait pas assez ? Ou bien : les boomers, proches de l’âge de la retraite, n’auraient-ils pas simplement peur de ne pas retrouver d’emploi en quittant leur job actuel ? J’aurais tendance à penser que la réponse à ces deux questions est oui. Qui dit moins de responsabilités familiales, dit plus de légèreté à prendre des risques professionnels.  

Bref : difficile de statuer sur qui des différentes générations compte de plus près ses sous dûment gagnés.  

Néanmoins, j’ai tendance à penser que l’influence des générations précédentes et de leur rapport au travail, nous marque plus que ce que l’on en pense. Encore enfants en mai 68, les boomers ont vu leurs parents trimer pour obtenir de meilleures conditions de travail. Nous, les plus jeunes, avons profité de ces droits sans trop nous en soucier : raison pour laquelle, selon moi, nous craindrions moins d’aller voir ailleurs pour remplir notre portefeuille.

Je vous laisserais avec un dernier chiffre parlant. Au fil des années, nous semblons de plus en plus à l’aise pour parler rémunération. En 2024, 54 % d’entre nous se disaient à l'aise pour parler de ce sujet avec leurs collègues, contre 17 % en 2019 (étude Hellowork). Les plus jeunes d’entre nous peuvent remercier leurs parents pour cette (nécessaire !) ouverture de la parole.  

Finalement, les conversations entre mon père (ou peut-être le vôtre) et moi (ou peut-être vous), où l’on opposait rémunération et intérêt pour le travail, auront au moins eu ça de bon ! 

Blogueuse RH & travail

Elle a l’esprit vif et le clavier littéraire dans un gant de velours 2.0. Millenial et fière de l’être, elle scrute avec malice les effets de…

Générations

Millennial née au début des années 90, j'observe avec curiosité comment les générations cohabitent au travail. Je vais à la rencontre de mes aînés et de la Gen Z pour comprendre ce qui façonne notre rapport au travail : aspirations, valeurs, façons de collaborer, habitudes (bonnes et mauvaises). Pourquoi travaillons-nous si différemment ? Qu'est-ce qui nous sépare vraiment... et surtout, qu'est-ce qui pourrait nous rapprocher ? Un regard authentique, sans artifices ni lieux communs.

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