Le point RH légal
Chaque mois, l’essentiel du droit du travail et des évolutions légales pour rester à jour
Alors qu’une nouvelle période d’incertitude sur les projets de loi en cours s’ouvre dans l’attente de la nomination d’un nouveau gouvernement, la Cour de cassation a pris la vedette ce mois-ci en publiant 2 nouveaux arrêts lourds de conséquences pour les entreprises. On vous explique tout dans l’actu légale !
Jurisprudence : Droit au report des congés payés en cas de maladie
Un salarié qui tombe malade alors qu’il est déjà en congés peut-il reporter ses droits à congés ?
- Un revirement de jurisprudence attendu….
Avant, la réponse à cette question était négative en application du principe suivant : la première cause de suspension du contrat de travail primait. Si le contrat de travail du salarié était déjà suspendu au titre des congés payés, la survenance d’une maladie ou d’un accident pendant cette période n’avait donc pas d’impact pour l’employeur.
Dans un arrêt du 10 septembre 2025 (Cass.soc n° 23-22.732- communiqué de presse), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et reconnait pour la première fois le droit pour un salarié d’obtenir le report de ses congés payés en cas de maladie.
- … sous l’influence du droit de l’Union Européenne
Cette évolution, si elle vient bouleverser les pratiques d’entreprise, était cependant prévisible et s’appuie sur les règles du droit européen en matière de congés payés.
Souvenez-vous :
- En avril 2024, la loi DDADUE était déjà venue modifier le code du travail pour permettre au salarié en arrêt de travail d’acquérir des congés (suite à une décision de la cour de cassation de septembre 2023).
- Le 18 juin dernier, la France avait fait l’objet d’une mise en demeure de la part de la Commission européenne pour l’inviter à se mettre en conformité sur l’articulation congés payés et maladie. Pour en savoir plus, on en parlait dans notre Point RH légal de juin 2025 : Actualités juridiques RH : Faits marquants de juin | Eurécia.
La Cour de cassation a donc sauté le pas et consacré ce droit au report : le salarié est en droit de « bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d'arrêt de travail pour maladie ».
Dans son argumentaire, la Cour s’aligne sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et raisonne en distinguant la finalité des congés payés et de l’arrêt maladie. Les congés payés ont pour but de permettre au salarié de se reposer, de se détendre et de profiter de ses loisirs alors que l’arrêt de travail lui sert à se rétablir d’une maladie. Le salarié malade doit donc pouvoir interrompre ses congés pour pouvoir en profiter ultérieurement.
- Les conséquences pratiques attendues
Dans son arrêt, la Cour de cassation indique que ce droit au report est conditionné à l’envoi d’un certificat médical à l’entreprise. Aucun délai d’envoi n’est formellement précisé et il conviendra de se référer au délai classique applicable dans l’entreprise en cas de maladie (délai souvent indiqué dans le règlement intérieur de l’entreprise- en général de 48h).
A réception de ce document, l’entreprise devra suspendre les congés du salarié à la date de l’arrêt de travail initial et le placer en arrêt maladie. Les congés non pris seront donc à reporter ultérieurement.
Concernant la période de report, la cour de cassation n’apporte aucune précision. Le ministère du travail indique pour sa part sur son site qu’il convient d’appliquer les règles récentes liées à l’acquittions de congés payés pendant la maladie à savoir d’informer le salarié à son retour dans l’entreprise de ses droits à congés avec une période de report de 15 mois à compter de cette information en cas d’impossibilité de prise au cours de la période de référence.
A noter enfin que la règle dégagée par la Cour de cassation ne concerne que les congés payés légaux et ne seraient pas applicables à d’autres types de repos comme des jours d’ancienneté, des RTT, des jours non travaillés dans le cadre d’un forfait jour…
Jurisprudence : prise en compte des congés payés dans le décompte des heures supplémentaire
Toujours le 10 septembre (Cass.soc n°23-14.455 – communiqué de presse), la Cour de cassation a également rendu un autre arrêt cette fois beaucoup moins prévisible mais tout aussi impactant.
La question était de savoir si pour calculer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires dans le cadre d’un décompte du temps de travail hebdomadaire, les jours de congés payés devaient être comptabilisés.
Dans les faits, les salariés travaillaient 38,5 heures par semaine avec donc 3,5 heures supplémentaires par semaine à majorer. Les semaines sur lesquelles avaient été posés un ou plusieurs jours de congés n’avaient pas déclenché d’heures supplémentaires ce que contestaient les salariés.
Jusqu’à présent, cette exclusion des jours de congés payés dans le décompte des heures supplémentaires était la règle en s’appuyant sur le fait que le déclenchement d’heures supplémentaires ne devait tenir compte que du temps de travail effectif, temps réellement travaillé. Si le salarié n’avait pas réellement travaillé plus de 35 heures sur la semaine, aucune heure supplémentaire ne pouvait être due.
Là encore, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en s’alignant sur le droit européen. Pour la CJUE, l’exclusion des jours de congés payés dans le décompte des heures supplémentaires vient créer un effet dissuasif pour le salarié de prendre ses congés payés, droit qui constitue pourtant un principe essentiel du droit social européen. La CJUE défend ainsi l’idée que la prise de congés payés ne peut pas entrainer un désavantage financier au salarié qui viendrait dans ce cas faire obstacle à son droit.
Les salariés doivent donc bénéficier des mêmes majorations qu’ils auraient perçues s’ils n’avaient pas pris de congés payés au cours de la semaine.
Ce changement de règle est donc très impactant pour les entreprises qui décomptent le temps de travail à la semaine en l’absence de dispositifs d’aménagements du temps de travail.
Paie : nouveau calcul des allégements de cotisations patronales au 01er janvier 2026
Dans un décret publié au JO le 5 septembre 2025, les nouvelles règles de calcul des dispositifs d’alléments de cotisations patronales sont précisées.
Pour rappel, au titre des cotisations sociales patronales, les entreprises bénéficient aujourd’hui d’une réduction générale de cotisations patronales (RGCP) pour les rémunérations allant jusqu’à 1,6 SMIC.
A partir du 1er janvier 2026, les règles de ces allégements de cotisations évolueront avec notamment :
- La suppression de la réduction sur la cotisation patronale d’assurance maladie ;
- La suppression de la réduction sur la cotisation patronale d’allocations familiales ;
- En compensation de ces suppressions, une nouvelle formule de calcul de la RGCP étendue aux rémunérations allant jusqu’ à 3 SMIC brut.
Jurisprudence : droit au silence au cours de l’entretien préalable ?
Dans une décision du 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité des dispositions du code du travail portant sur l’entretien préalable dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou d’une procédure de licenciement.
Dans ce cadre, l’employeur doit-il informer le salarié du droit de se taire au cours de l’entretien préalable ?
Si le code du travail prévoit que l’employeur doit dans la convocation à entretien préalable informer le salarié de son droit à être assisté au cours de l’entretien, aucune disposition légale n’impose à ce jour de l’informer sur la possibilité de se taire. Le code du travail précise d’ailleurs qu’au cours de l’entretien l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi en juin dernier par la Cour de cassation dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour savoir si cette absence d’information et ce recueil d’explications prévu par le code du travail étaient contraires à la Constitution et notamment à l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, article qui fonde la présomption d’innocence et le droit au silence en droit pénal.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions du code du travail sont conformes à la Constitution et que l’article 9 n’a pas vocation à s’appliquer dans une relation de droit privé.
Pas d’évolution donc à prévoir sur les procédures disciplinaires ou de licenciement sur ce point.
A noter cependant que s’agissant des fonctionnaires, le conseil d’État a reconnu cette obligation d’information au droit de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire dans une décision de décembre 2024.
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Experte juridique & social
Juriste de formation, Joanne explore les dynamiques du dialogue social et les pratiques RH à partir d’une solide expérience de terrain, acquise au…