le point RH légal
Chaque mois, l’essentiel du droit du travail et des évolutions légales pour rester à jour
Projet de loi de finances (PLF) et Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS) pour l’année 2026 sont toujours en cours de débats parlementaires avec encore beaucoup d’incertitudes quant à l’issue des textes. En attendant d’y voir plus clair, nous nous concentrerons ce mois-ci sur l’évolution des modalités de versement des aides à l’apprentissage et sur l’actualité jurisprudentielle.
Apprentissage : proratisation de l’aide à l’embauche en cas de mois incomplet
Vous le savez, l'employeur qui embauche un apprenti bénéficie aujourd’hui d'une aide financière au titre de la première année d'apprentissage pouvant aller de 2 000€ à 5 000€ selon l’effectif de l’entreprise (6 000€ en cas d’embauche d’un alternant bénéficiant d’une reconnaissance de travailleur handicapé).
Cette aide est versée mensuellement par l’ASP avant le paiement de la rémunération de l’apprenti et jusqu’à présent tout mois commencé était dû. Par exemple, pour un contrat d’apprentissage débutant le 10 du mois, l’aide était versée pour le mois entier.
Dans le prolongement de la réforme du financement de l’alternance que nous vous avions présenté en mai dernier (par ici), le décret n° 2025-1031 du 31 octobre 2025 introduit un principe de proratisation de l’aide pour les contrats d’alternance débutant ou se terminant en cours de mois afin d’adapter le montant des aides à la durée réelle du contrat.
Quels sont les contrats concernés ?
L’aide étant dans tous les cas limitée à 12 mois, la proratisation ne concerne que les contrats d’apprentissage ayant une durée inférieure à un an.
⚠️ Attention : en cas de contrat supérieur à un an, la proratisation pourra tout de même s’appliquer en cas de rupture anticipée du contrat avant sa date anniversaire.
A partir de quand ?
2 situations peuvent se présenter :
- Pour tout nouveau contrat d’apprentissage d’une durée inférieure à un an signé à partir du 1er novembre 2025, la proratisation s’appliquera pour le 1er mois et le dernier mois de travail si ceux-ci n’ont pas été complètement travaillés.
👉 A noter que pour ces nouveaux contrats, le Ministère du travail a indiqué que le versement des aides ne pourra être effectif qu’à partir de mars 2026.
- Pour les contrats en cours signés avant le 1er novembre, la proratisation ne sera pas appliquée au 1er mois du contrat et il n’y aura donc pas de régularisation. Mais elle le sera pour le dernier mois du contrat si celui n’est pas complet.
Par exemple, dans le cas d’un contrat d’apprentissage ayant débuté le 15 septembre 2025 et devant se terminer le 15 août 2026, la proratisation de l’aide sera seulement appliquée sur le mois d’août 2026.
👉 Retrouver le détail de toutes les aides à l’apprentissage sur le site de l’ASP.
Jurisprudence : accès au domicile du télétravailleur ?
Au titre de son obligation de sécurité, l’employeur doit évaluer et prévenir l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés ses salariés y compris pour les salariés exerçant leur activité en télétravail. Dans ce cadre, certaines entreprises soumettent l’accès au télétravail à une visite préalable du domicile du salarié afin de garantir la conformité de l’aménagement du poste en télétravail.
Mais quid si un salarié s’oppose à cette visite : l’employeur peut-il s’appuyer sur ce refus pour ne pas accorder le télétravail ? Et que se passe-t-il si le télétravail est une préconisation de la médecine du travail ?
Dans un arrêt du 13 novembre 2025 (Cass.soc n°24-1432), la Cour de cassation répond qu’il n’est pas possible pour l’employeur de refuser le télétravail préconisé par la médecine du travail au seul motif que le salarié s’oppose à la visite de son domicile.
Dans l’affaire jugée, une salariée avait refusé que l’employeur effectue une visite à son domicile pour mettre en place deux jours de télétravail préconisés par la médecine du travail. L’employeur n’avait alors pas autorisé le passage en télétravail en s’appuyant sur le fait que l’exigence d’une visite du domicile était prévue dans les procédures de l’entreprise et était connue par la salariée.
Pour rejeter cette argumentation, la Cour de cassation combine deux éléments :
- L’usage du domicile relève de la vie privée et familiale du salarié qui peut en refuser l’accès.
- L’employeur doit prendre en compte les avis et préconisations de la médecine du travail au risque de ne pas respecter son obligation de sécurité. La Cour de cassation rappelle à cette occasion que l’employeur avait la possibilité d’exercer un recours pour contester l’avis de la médecine du travail ce qu’il n’a pas fait.
On pourrait se poser la question de la portée de cet arrêt en dehors d’une justification médicale : l’organisation d’une visite préalable au domicile peut-elle être une condition d’éligibilité au télétravail ? Compte tenu du droit au respect de la vie privée rappelé par la cour de cassation, on pourrait penser que non. Il faut alors réfléchir à d’autres garanties pour s’assurer que le salarié en télétravail exerce son activité de manière sécurisée.
Jurisprudence : droit au repos hebdomadaire et nombre de jours de travail consécutifs maximum
Le code du travail (articles L. 3132-1 et L.3132-2) prévoit qu’il est interdit de faire travailler un salarié plus de 6 jours par semaine et que le repos hebdomadaire a une durée minimale de 35 heures (24h+11h de repos quotidien).
Dans un arrêt du 13 novembre 2025 qui a fait couler beaucoup d’encre (Cass soc n°24-10733), la Cour de cassation précise que ce droit au repos hebdomadaire doit s’apprécier par semaine civile du lundi 0 heure au dimanche 24 heures.
Aucune disposition légale n’empêche donc à l’employeur de faire travailler des salariés plus de 6 jours consécutifs si au cours d’une même semaine civile ils ont bien bénéficié d’un repos hebdomadaire de 35 heures.
En l’espèce, un salarié avait travaillé 11 jours consécutifs sans jours de repos puis 12 jours consécutifs mais avait bien bénéficié d’un repos hebdomadaire sur chaque semaine civile.
Cette décision amène tout de même quelques précisions :
- Le code du travail dans son article L.3131-3 dispose que dans l’intérêt des salariés le repos hebdomadaire est donné le dimanche. Toute entreprise qui souhaite faire travailler ses salariés le dimanche doit donc remplir les conditions pour pouvoir déroger à ce principe.
- Certaines dispositions conventionnelles (de branche ou d’entreprise) peuvent prévoir explicitement l’interdiction de travailler plus de 6 jours consécutifs ou d’accorder deux jours de repos par semaine.
- Dans tous les cas, l’employeur reste soumis à son obligation de sécurité. Faire travailler régulièrement les salariés sur de longues périodes pourrait poser la question d’un manquement à cette obligation notamment en cas d’accident de travail.
Jurisprudence : terme du CDD à terme imprécis en cas de suspension du contrat
Pour remplacer un salarié absent, il est possible de recourir à un CDD à terme imprécis dont le terme correspondra au retour du salarié remplacé.
Il est de jurisprudence constante que lorsque le salarié remplacé ne revient finalement pas, c’est la date de rupture de son contrat de travail qui marque alors la fin du CDD, l’employeur devant notifier au salarié remplaçant le terme de son contrat dans un délai raisonnable et lui remettre les documents de fin de contrat.
Mais quid du terme du CDD lorsque le salarié remplaçant est lui-même en arrêt longue durée suite à un accident de travail ? (Vous suivez toujours ? 😉)
C’est cette question qu’a tranché la Cour de cassation dans son arrêt du 13 novembre 2025 (Cass.soc n°24-14259). En l’espèce, un salarié en CDD à terme imprécis a été victime d’un accident de travail et a bénéficié d’un arrêt de travail de plusieurs années. Au cours de cette période, l’employeur a licencié le salarié qu’il remplaçait mais n’a pas notifié au salarié en CDD le terme de son contrat. Plus de deux ans (encore !) après, le salarié en CDD sollicite une prise d’acte de la rupture de son contrat aux torts de l’employeur en considérant être en CDI.
L’employeur conteste cette requalification en s’appuyant sur le fait que le salarié en CDD n’a jamais effectivement retravaillé après le départ du salarié remplacé.
Peu importe pour la Cour de cassation qui rappelle que l’employeur aurait dû notifier au salarié en CDD le terme de son contrat après la cessation d’activité du salarié remplacé. La relation contractuelle s’est donc poursuivie après le terme du contrat entrainant la requalification du CDD en CDI conformément à l’article L. 1243-11 du code du travail.
Même s’il confirme une règle connue, cet arrêt permet également de souligner que la suspension du contrat consécutive à un accident de travail ne fait pas obstacle à l’échéance du CDD que celui-ci soit à terme précis ou imprécis.
Jurisprudence : élections professionnelles – attention à l’articulation entre accord de vote électronique et protocole d’accord préélectoral
Pour rappel, dans le cadre des élections professionnelles, le recours au vote électronique nécessite un accord d’entreprise ou à défaut une décision unilatérale de l’employeur (DUE).
⚠️ Mais attention : cet accord ou cette DUE doit être mis en place avant la signature du protocole d’accord préélectoral (PAP) qui a pour objet de préciser les modalités pratiques du scrutin. Le PAP doit donc faire référence à l’accord signé sur le vote électronique ou à la décision unilatérale prise par l’employeur.
Dans un arrêt du 5 novembre 2025 (Cass.soc n°24-60169), la Cour de cassation rappelle un point d’attention supplémentaire en précisant qu’en cas d’accord d’entreprise prévoyant le vote électronique, ce dernier devait non seulement être signé mais également être entré en vigueur avant la signature du PAP. A défaut, les élections professionnelles risquent l’annulation.
En l’espèce, une entreprise avait signé un tel accord mais n’avait pas procédé à son dépôt avant la signature du PAP. Or si l’accord ne prévoit pas de date précise d’entrée en vigueur, c’est bien sa date de dépôt qui conditionne son application avec une entrée en vigueur effective au lendemain du dépôt.
Vigilance donc à bien anticiper dans le calendrier électoral la négociation de l’accord sur le vote électronique et à s’assurer qu’il soit entré en vigueur au moment de la signature du PAP.
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Experte juridique & social
Juriste de formation, Joanne explore les dynamiques du dialogue social et les pratiques RH à partir d’une solide expérience de terrain, acquise au…