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chronique - Rémunération

Transparence des salaires : la nouvelle fracture Est-Ouest

Illustration de la transparence salariale en Europe, contraste Est-Ouest

À Varsovie, les grilles de salaires sont désormais en ligne. À Paris, elles dorment encore dans un coffre RH. Même directive européenne, deux lectures : à l’Est, la transparence salariale est un progrès social ; à l’Ouest, un péril managérial.

En Pologne, en Tchéquie ou en Bulgarie, publier les salaires n’est pas un geste militant, mais une marque de confiance. Là-bas, la transparence est perçue comme un outil d’équité et de modernité. En France, elle réveille les vieux démons : la peur de la comparaison, du conflit, du chaos. Derrière les chiffres se joue un nouveau rapport au pouvoir et à la justice — un miroir sans filtre où chaque culture révèle ses angles morts.  

À l’Est, la transparence comme héritage et modernité

Plot twist de l’histoire : ce sont les pays de l’ex-bloc de l’Est qui adoptent aujourd’hui la transparence salariale avec le plus d’enthousiasme. En Pologne, en Tchéquie ou en Bulgarie, publier les salaires n’évoque ni nivellement ni populisme : c’est un gage d’équité et un antidote au favoritisme.  

Chez Orange Polska, les grilles salariales sont publiques, bonus compris. mBank affiche ses taux moyens d’avancement. Sofia Water publie chaque année ses écarts de genre. Ces entreprises ne voient pas la directive européenne comme une contrainte, mais comme un signe de maturité. Le paradoxe est fascinant. L’Est, que l’on disait encore paternaliste et vertical, transforme la transparence en symbole de modernité.

À l’Ouest, la peur du grand déballage

En France, parler salaire reste un sport dangereux. L’argent y est intime, presque indécent. On prône la transparence des valeurs… mais pas des fiches de paie. Depuis 2019, l’index Egapro impose de publier les écarts de genre, sans jamais dévoiler les grilles. 

La méfiance est double : peur du désordre social et de l’humiliation individuelle. Dans un pays où le mérite s’incarne dans le titre et la posture, dévoiler les chiffres revient à fissurer la hiérarchie symbolique. Pendant que Varsovie publie, Paris temporise. Tant que le prestige primera sur la clarté, les fiches de paie françaises resteront dans la pénombre.

Le miroir de la transparence : un stress test culturel

La directive européenne sur l’égalité des rémunérations agit comme un révélateur : elle ne mesure pas que les écarts de salaires, mais la maturité d’une société face à la transparence. En Europe centrale, la clarté vaut respect ; en France, le non-dit protège l’équilibre et le statu quo.

Erin Meyer, sociologue et professeure à INSEAD, parle de cultures à contexte faible et à contexte élevé : d’un côté, on explicite pour rassurer ; de l’autre, on suggère pour ménager. La transparence y devient soit pédagogie, soit provocation.

À Varsovie, Prague et Sofia, les données nourrissent la confiance. À Paris, elles créent de la résistance. Mais bientôt, c’est l’heure du test grandeur nature. La transparence finit toujours par renvoyer son reflet : elle montre moins ce que l’on gagne que ce que l’on craint de perdre. 

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