Beaucoup de nouveautés ce mois-ci avec la loi n°2025-989 du 24 octobre 2025 portant transpositions de plusieurs accords nationaux interprofessionnels signés entre partenaires sociaux : évolution de l’entretien professionnel, accompagnement des salariés « expérimentés », transition professionnelle, dialogue social… De nouveaux dispositifs voient le jour et vont conduire les entreprises à modifier leurs pratiques.
Gestion de carrières : réforme de l’entretien professionnel
1er gros changement à venir dans les politiques RH d’entreprise : l’entretien professionnel devient l’entretien de parcours professionnel.
Avec un contenu enrichi et une périodicité modifiée, l’objectif est d’en faire un véritable outil de gestion de carrière du salarié s’inscrivant dans un parcours global de l’entrée dans l’emploi jusqu’au départ à la retraite du salarié.
Contenu de l’entretien
L’entretien de parcours professionnel devra permettre d’aborder les sujets suivants :
- les compétences du salarié et ses qualifications mobilisées dans l’emploi actuel ainsi que leur évolution possible au regard des transformations de l’entreprise ;
- sa situation et son parcours professionnel, au regard des évolutions des métiers et des perspectives d’emploi dans l’entreprise ;-
- ses besoins de formation, qu’ils soient liés à son activité professionnelle actuelle, à l’évolution de son emploi au regard des transformations de l’entreprise ou à un projet personnel ;
- ses souhaits d’évolution professionnelle, avec la possibilité d’envisager une reconversion interne ou externe, un projet de transition professionnelle (CPF de transition), un bilan de compétences ou une validation des acquis de l’expérience (VAE) ;
- l’activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), les abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et le conseil en évolution professionnelle (CEP).
Dans une réelle démarche de gestion prévisionnelle des emplois, l’objectif de l’entretien de parcours professionnel est de partager avec le salarié les évolutions de son activité pour permettre d’actionner le plus en amont possible des outils d’accompagnement. Il servira d’appui à l’élaboration du plan de développement des compétences de l’entreprise.
Modalités d’organisation de l’entretien
L’entretien devra être réalisé par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction de l’entreprise. Il se déroulera sur le temps de travail du salarié.
Comme aujourd’hui, il devra donner lieu à la rédaction d'un document dont une copie sera remise au salarié.
La loi précise également bien que cet entretien ne doit pas porter sur l’évaluation du travail salarié. Il conviendra donc de continuer à bien le distinguer de l’éventuel entretien annuel en prévoyant deux supports distincts.
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Périodicité obligatoire
L’entretien de parcours professionnel devra être organisé dès la 1ère année de l’arrivée du salarié dans l’entreprise. La loi prévoit ainsi que le salarié est informé lors de son embauche qu’il bénéficiera de cet entretien. Une mise à jour des trames des contrats de travail s’impose donc !
Cet entretien sera ensuite à renouveler tous les 4 ans (contre 2 ans actuellement pour l’entretien professionnel).
NB : Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche pourra retenir une autre périodicité des entretiens, sans pouvoir être supérieure à 4 ans (par exemple tous les ans, tous les 2 ans ou tous les 3 ans).
L’entretien de parcours professionnel devra toujours être proposé au retour de certains congés (maternité, adoption, parental, proche aidant, sabbatique), ainsi qu’à l’issue d’une période de mobilité volontaire sécurisée, d’une période d’activité à temps partiel, d’un arrêt longue maladie ou à l’issue d’un mandat syndical, sauf dans la situation où le salarié aurait déjà bénéficié d’un entretien de parcours professionnel au cours des 12 derniers mois précédant sa reprise d’activité.
Enfin, un entretien bilan devra être réalisé tous les 8 ans pour dresser un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié (contre 6 ans aujourd’hui pour l’entretien professionnel).
Il conviendra alors de vérifier que le salarié a bien bénéficié au cours des 8 dernières années des entretiens de parcours professionnels et d'apprécier s'il a :
- suivi au moins une action de formation ;
- acquis des éléments de certification par la formation ou par une VAE ;
- bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.
A défaut, les entreprises de plus de 50 salariés pourront être sanctionnées d’un abondement correctif sur le CPF de chaque salarié concerné.
Date de mise en œuvre
La mise en place des entretiens de parcours professionnel est d’effet immédiat. La loi prévoit cependant une période transitoire pour les entreprises ou branches qui seraient aujourd’hui couvertes par un accord collectif portant sur les entretiens professionnels. Dans cette hypothèse, les entreprises ou branches concernées devront rouvrir des négociations pour se mettre en conformité d’ici le 1er octobre 2026.
Emploi : nouvelles obligations concernant les « salariés expérimentés »
Pour favoriser le maintien dans l’emploi et mieux accompagner les salariés dans leur deuxième partie de carrière, plusieurs dispositifs importants sont mis en place :
Renforcement de l’entretien de parcours professionnels à mi-carrière
Pour rappel, tout salarié doit bénéficier durant l’année civile de ses 45 ans d’une visite médicale de mi-carrière avec le service de santé au travail. Cette visite permet de vérifier l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travail. Si nécessaire, le médecin du travail peut proposer des aménagements de poste.
La nouvelle loi vient préciser que cette visite médicale de mi-carrière devra être suivie dans les deux mois d’un entretien de parcours professionnel afin d’échanger sur les éventuelles mesures proposées par le médecin du travail et d’anticiper si nécessaire des aménagements de missions ou du poste de travail.
Renforcement de l’entretien de parcours professionnels en fin de carrière
Dans la même optique, à l’occasion de l’entretien de parcours professionnel qui interviendra dans les deux années précédant le 60ème anniversaire du salarié, il faudra aborder, en plus des sujets habituels, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive.
Nouvelle négociation obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés
En présence d’organisation syndicales représentatives, ces entreprises seront tenues d’engager une négociation relative à l’emploi et le travail des salariés expérimentés, mais également à l’amélioration de leurs conditions de travail.
Cette négociation devra être organisée tous les trois ans ou tous les 4 ans en cas d’accord de méthode fixant une périodicité plus importante.
Elle devra porter notamment sur :
- le recrutement des salariés expérimentés ;
- leur maintien dans l’emploi ;
- l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
- la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.
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Expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience (CVE)
Il s’agit d’un CDI qui pourra être conclu par toute entreprise avec des demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans inscrits à France Travail (ou 57 ans en cas d’accord de branche étendu).
Lors de la signature du contrat, le salarié devra remettre à l’employeur un document de l’assurance retraite mentionnant la date prévisionnelle lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. A cette date, l’employeur aura la possibilité de mettre à la retraite le salarié en respectant un délai de préavis identique au licenciement et en versant au salarié une indemnité au moins égale à l’indemnité de licenciement avec un régime social favorable.
La possibilité de conclure ce type de contrat est prévue pour une durée expérimentale de 5 ans.
NB : Pour rappel, il existe également la possibilité pour une entreprise de signer des CDD senior.
Temps partiel de fin de carrière
La loi prévoit également la possibilité pour le salarié d’utiliser son indemnité de départ à la retraite pour compenser en partie ou en totalité un passage à temps partiel.
Attention, cette possibilité doit être prévue par le biais d’un accord collectif d’entreprise ou à défaut de branche.
Transitions professionnelles : création d’une période de reconversion professionnelle
Ce nouvel outil remplace les dispositifs de transitions collectives et de Pro-A.
Il permet à une entreprise de proposer à ses salariés un accompagnement pour envisager une reconversion professionnelle dans ou en dehors de l’entreprise en accédant à une formation qualifiante ou certifiante dans un cadre plus sécurisé et flexible.
Parcours de formation
Les actions de formation réalisées dans le cadre de la période de reconversion seront d’une durée comprise entre 150 et 450 heures, pouvant être réparties sur 12 mois (un accord d’entreprise ou de branche pourra prévoir des durées plus longues, dans la limite de 2100 heures sur 36 mois).
Modalités d’organisation
Selon les besoins de l’entreprise, deux possibilités d’organisation sont envisagées par la loi :
Période de reconversion interne : l’entreprise et le salarié se mettent d’accord par écrit sur les conditions de réalisation de la période : durée, nombres d’heures, financement des actions de formation.
Le salarié a alors la possibilité d’utiliser la moitié de ses droits CPF pour participer au financement de la formation. La loi précise que le salarié doit pendant cette période percevoir sa rémunération sans modification.
Période de reconversion externe : le salarié effectue les actions de formation chez un autre employeur en signant avec lui un CDI ou un CDD d’au minimum 6 mois (créant ainsi un nouveau cas de recours au CDD sans avoir à justifier d’un remplacement de salarié absent ou d’un accroissement temporaire d’activité). Son contrat de travail d’origine est dans ce cas suspendu pendant la période d’essai chez le nouvel employeur et le salarié n’est plus rémunéré par son entreprise d’origine. Le salarié peut dans ce cas utiliser la totalité de ses droits CPF pour participer au financement de la formation.
A l’issue de la période d’essai chez le nouvel employeur, deux hypothèses s’ouvriront alors :
Si la période d’essai est concluante, le contrat avec l’entreprise d’origine sera rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle (s’il s’agissait d’un CDI) ou d’une rupture anticipée d’un commun accord (pour un CDD) ;
Si la période d’essai n’est pas concluante, le salarié devra retrouver son poste ou un poste équivalent dans son entreprise d’origine. Le salarié aura tout de même la possibilité de refuser le retour dans son entreprise d’origine entrainant alors la rupture de son contrat de travail dans les mêmes conditions que la 1ère hypothèse.
Mise en place du dispositif
En fonction du nombre de salariés potentiellement concernés par le dispositif et de la taille de l’entreprise, la mise en œuvre de ce dispositif pourra nécessiter la conclusion d’un accord collectif d’entreprise notamment dans le cadre de négociations sur la GEPP ou sur des dispositifs de rupture conventionnelles collectives.
Dialogue social : plus de limitation des mandats au CSE
C’était une demande forte des organisations syndicales : ne plus être limité à 3 mandats successifs pour les élus du CSE.
La nouvelle loi acte donc cette suppression : les membres du CSE pourront désormais être réélus sans limitation qu’importe la taille de l’entreprise.
Selon le Ministère du travail, cette mesure permettra le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles en préservant l’expérience et les compétences acquises.
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Jurisprudence : tickets restaurant et télétravail
Un salarié en télétravail doit-il bénéficier de titre-restaurants lorsque l’entreprise en attribue aux salariés travaillant sur site ?
Les positions des entreprises sur le sujet étaient diverses.
Dans un arrêt du 8 octobre (Cass.soc n° 24-12.373), la Cour de cassation vient trancher la question : en s’appuyant sur le principe de l’égalité de traitement, la Cour rappelle que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. L’employeur ne peut donc refuser l’octroi de titres-restaurant à des salariés au seul motif qu’ils exercent leur activité en télétravail.
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Experte juridique & social
Juriste de formation, Joanne explore les dynamiques du dialogue social et les pratiques RH à partir d’une solide expérience de terrain, acquise au…