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Article - Transitions

La semaine de quatre jours  : entre désillusions et illusion de liberté 

Réunion d’équipe autour d’un planning de 4 jours en bureau lumineux et végétalisé

À la loupe

Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail

Un meilleur équilibre entre vies professionnelle et personnelle, une conviction qui ne tient pas toutes ses promesses à en croire le rapport sur la « Connaissance de l’emploi » publié en septembre 2024 par le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET). Gage de bien-être, plébiscitée par une majorité de salariés, la semaine de 4 jours cache une autre réalité, celle d’un rythme de travail plus soutenu pour une meilleure productivité.

Un levier pour améliorer la motivation  

Forte d’un succès médiatique et politique, expérimentée dans d’autres pays comme l’Islande, le Royaume-Uni ou l’Espagne, la France lui fait également de l’œil. Ainsi, on ne dénombrait en 2023 459 accords d’entreprises la mentionnant - au nom d’un droit au « bien-être au travail » - soit 5 fois plus qu’en 2020. Une intention réelle, semblait-il. Finalement, seuls 150 entreprises l’ont effectivement mise en application. Car la réalité rattrape la sphère économique. La semaine de 4 jours demeure certes un excellent levier pour améliorer la motivation, mais aussi la performance du collaborateur, et bien entendu… l’attractivité de l’entreprise. Un bien-être relatif in fine, qui sert davantage d’outil à une pratique du management « par la vertu », comme l’explique la sociologue Laure Bereni dans ce rapport du CEET.

Travailler moins longtemps, mais plus !

Il ne faudrait pas s’y méprendre : la semaine de 4 jours ne signifie pas nécessairement réduction du temps de travail, bien au contraire. Dans 89 % des accords scrutés par le CEET, aucune baisse de la durée hebdomadaire de travail n’a été observée ! Les salariés accomplissent donc le même volume horaire, ramené à 4 jours au lieu de 5. Résultat : des journées de travail qui n’en finissent pas, pouvant atteindre 10 h dans certains cas, sans comptabiliser les pauses… Surpris ? Attendez, le scénario du « pire » n’est pas encore celui-ci. Parfois, des accords prévoyant une réduction du nombre d’heures hebdomadaires, suppriment les jours de RTT correspondants, ce qui éradique de fait une baisse du temps de travail annuel.

Une charge de travail qui se maintient

Le rapport soulève que seuls 5 % des accords instaurent vraiment une semaine de 32 h sans perte de salaire. Mais que dans tous ces accords, sans exception, il est fait mention que les collaborateurs ont l’obligation de conserver un même niveau de productivité. Une intensification de la journée de travail totalement assumée, voire explicitement désignée dans certains textes par le terme « gains de productivité ». On est loin de la promesse d’une semaine de 4 jours qui assurerait davantage de repos et de sérénité au salarié… Ce modèle organisationnel aurait donc l’objectif de rationaliser les effectifs afin d’éviter de nouveaux recrutements. Notamment dans les secteurs du commerce et des services, comme le souligne le rapport, impliquant des horaires particulièrement lourds et contraignants pour certaines catégories de salariés.

Des modèles qui accentuent les inégalités selon les métiers

En effet, trois formats de « semaine de 4 jours » se dégagent globalement, ne bénéficiant pas à tous de la même manière, mais surtout, faisant de la flexibilité une obligation. Dans 64% des cas - la majorité - c’est 1 jour sur 5 non travaillé dans la semaine - souvent les lundi, mercredi ou vendredi – pour compenser, dans certaines situations, la fin du télétravail… Dans 20% des situations, on parlera de « semaine de 4 jours modulée », où il s’agit d’alternance entre semaines plus courtes en période creuse et semaines plus longues de 40 h ou plus en cas de pic d’activité, comme dans l’industrie. Enfin, dans 16% des cas, la « semaine de 4 jours sur 7 » est appliquée, avec des jours de repos variables et une mobilisation récurrente le week-end, typique des métiers de la santé ou du commerce. Des secteurs d’activité largement féminisés, soit dit en passant… 

Journaliste

Séverine est journaliste généraliste indépendante collaborant avec divers médias régionaux et nationaux, comme le Figaro Magazine, Madame Figaro,…

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