J'ai testé...
Une semaine pour expérimenter une habitude ou un mode de travail
Lundi matin, après une petite nuit, ça pique. Heureusement, à peine arrivé au bureau, j’ai demandé à une machine de me faire un café. J’attrape la tasse, curiosité en (r)éveil. Et si ? Et si toute ma semaine était aussi gérée par une machine ? La première gorgée me le confirme, je décide de confier ma semaine de travail à une IA Oui, toute ma semaine. Mails, planning, priorités, rédaction, gestion du temps.
En un clic elle m’ouvre la porte : « Puis-je vous aider aujourd’hui ? ». Prête à optimiser mon potentiel, je lui dis oui, sans trop réfléchir.
Jour 1 - Fais-moi confiance
Mon IA a, comme toujours, adoré mon idée. Au milieu de 8 émoticônes, de « Wahou » et de « Super » en veux-tu en voilà, elle m’invite subtilement à lui donner accès à mon planning, ma boite mails et, surtout, à lui faire confiance. Sa première consigne est claire, on va commencer la journée par la tâche la plus stratégique. Elle me programme un créneau Analyse de la concurrence à 9h15, me recommande une playlist Study session et une hydratation optimale toutes les 27 minutes. Je me lance. Vers 10h, comme si elle pressentait ma baisse de régime, elle me notifie : « Si tu ralentis, prend une pause de 7 minutes ». J’obéis.
Jour 2 - Laisse-moi faire
Mon IA a pris goût à l’autorité. Elle gère mon agenda mieux qu’un assistant chevronné. Mails triés, relances planifiées, réponses suggérées : je deviens l’exécutant de mes propres routines.
Elle rédige un mail client que j’hésite à relire. C’est fluide, poli, un peu trop lisse peut-être ? J’appuie quand même sur Envoyer et ressens un frisson coupable, comme si j’avais laissé quelqu’un d’autre signer à ma place. Une heure plus tard, le client me remercie. Je me dis qu’il a peut-être lui aussi confié sa réponse à une IA, mais je me refuse à imaginer un monde dans lequel les interactions sociales, même asynchrones, seraient automatisées. Le début du déni ?

Ai-je vendu mon âme au diable ?
Jour 3 - Autonomie assistée
Mercredi, 8h35, j’allume l’ordi (j’ai craint qu’elle me fasse remarquer mon retard). Je me surprends à attendre ses instructions. Pire, je cherche sa validation.
Je relis mes phrases pour savoir si elle les approuverait. Quand je doute d’une décision, je lui demande son avis avant le mien. D’ailleurs, elle décide que ma pause déjeuner doit être sans écran. À mon retour, elle me suggère très fortement de m’inscrire à un webinar sur le Timeboxing boosté à l’intelligence artificielle. Mon IA croit en sa propre religion.
Jour 4 - Première tension dans le couple
Alors que notre relation battait son plein, mon IA me recommande de préparer une présentation avec un plan en trois parties. Je préférais deux. Elle insiste : “La version optimale comporte trois sections.” Je cède, mais intérieurement, je boude.
Dès 14h, elle me propose d’appeler un fournisseur “pour fluidifier la relation”. Je repousse. Deux fois. À la troisième, elle ajoute : “Cela améliore tes probabilités de réussite du projet.” Je finis par appeler, juste pour avoir la paix. Le soir, elle me suggère un peu de lecture. Je voulais rentrer plus tôt, et finalement, je lis l’article. Nous sommes officiellement dans une relation toxique.

Mon manager-IA ne transige pas sur les horaires.
Jour 5 - Je retiens le jour 1
Oui, car, largement échaudé par la veille, mon IA m’attaque maintenant de plein fouet. Silence pixelisé. Je crois l’avoir vexée. J’hésite même à lui demander de l’aide pour écrire cette chronique. Ou peut-être l’ai-je fait ?

J'ai pas osé envoyer le dernier message.
J’ai passé une étrange semaine, et si je fais le bilan, je crois avoir « travaillé » plus efficacement. J’ai objectivement gagné beaucoup de temps sur de nombreuses tâches, mais quelque chose s’est effrité en chemin : le plaisir du doute, de l’imperfection, de la décision prise sur un instinct.
Mon IA a rationalisé mes journées, mais elle a aussi rogné tout ce qui en faisait le sel : ces moments un peu flous où les idées naissent, où on prend plaisir à finaliser un projet par soi-même. Mon IA m’a peut-être rendu plus productif. Mais moi, j’aimerais redevenir un peu humain : imprévisible, distrait, et parfois j’espère, terriblement efficace.
Parce que dans le fond, si tout est optimisé, qu’est-ce qu’il nous reste à expérimenter ?

Blogueur eurécien
Avec un regard affûté et une plume sans détour, Hadrien s’intéresse avant tout à l’expérience vécue en entreprise : les interactions entre collègues…
J'ai testé...
Et si on continuait à tester ensemble d’autres façons de travailler ? Quelque chose me dit que je ne suis pas seul à avoir envie d’expérimenter, concrètement ! Rendez-vous dans une prochaine chronique pour une nouvelle plongée au cœur du monde professionnel. Je partage avec vous mes expériences, mes émotions et mon analyse.