L’interview tech et innovation
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Le centre de gérontologie Les Abondances de Boulogne-Billancourt a investi dans l’utilisation d’un robot émotionnel d’assistance thérapeutique baptisé Paro. Si les robots n’ont pas d’émotions, ils contribuent en revanche à les stimuler. Explications avec Annabelle Benazech, animatrice à l’unité de vie protégée pour l’hébergement et l’accompagnement des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés.
Vous avez choisi d'exercer avec un robot dont l’utilisation est basée sur un logiciel d’intelligence artificielle. Qui est-il exactement ?
Il s’agit d’un petit phoque en peluche, baptisé Paro, qui est équipé de capteurs multisensoriels et de microphones. Paro s’appuie sur un logiciel d’intelligence artificielle pour analyser en temps réel les signaux auditifs, lumineux et tactiles, et permettre une interaction émotionnelle simulée fondée sur les réponses des utilisateurs. Il adapte dynamiquement ses mouvements aux intonations des patients.
Pourquoi avoir adopté Paro ? Qu’apporte-t-il aux patients ?
C’est un outil thérapeutique, pas un jouet. Nous l’utilisons depuis quatre ans pour accompagner les résidents atteints de troubles cognitifs, notamment Alzheimer. Ce qui m’a séduite, c’est la possibilité de créer un moment d’intimité et de tendresse avec les résidents. Beaucoup arrivent ici isolés, sans famille, sans contact physique. Paro, c’est un objet qu’on peut caresser, auquel on peut parler sans crainte. C’est rassurant, doux, réconfortant. Je l’utilise en individuel, dans la chambre, en tête-à-tête.
Comment Paro s’inscrit-il dans la démarche d’animation de l’unité ?
En parallèle des ateliers que nous mettons en place, Paro permet d’entrer en relation autrement. Certains résidents sont très repliés, parlent peu. Avec Paro, ils s’ouvrent. Ils le caressent, lui parlent comme à un animal familier : “Tu sais, mon petit Paro, j’ai mal à la tête ce matin…” C’est une information précieuse qu’ils ne donnent pas toujours au médecin. Le robot thérapeutique devient un vecteur d’expression, un médiateur silencieux. Paro est désormais une vraie mascotte, réclamée et attendue.
Quel rôle joue-t-il précisément dans l’accompagnement des malades d’Alzheimer ?
Paro est utilisé principalement dans des situations où les résidents sont anxieux, agités ou isolés : après des soins délicats comme la toilette, en période de crise ou de détresse émotionnelle, mais aussi lors de moments d’apaisement en tête-à-tête, pour favoriser la parole, réduire le stress et créer un lien affectif rassurant.
Paro a-t-il vocation à remplacer la présence humaine ?
Nous avons investi dans deux exemplaires, d’une valeur de 6 500 euros chacun. Et non, Paro ne remplace pas les humains, il ne faut surtout pas qu’il le fasse. C’est un outil, pas une alternative. Il ne parle pas, il n’analyse pas. Mais il ouvre un espace de tendresse et de parole, où la relation se construit autrement. C’est parce que nous sommes là, avec lui, que ça fonctionne.
Comment les familles de résidents perçoivent-elles cet usage ?
Au début, elles sont un peu surprises. « Une peluche pour accompagner mon père ou ma mère ? » Mais une fois qu’on explique qu’il s’agit d’un dispositif d’assistance thérapeutique qui a fait l’objet de dix années de recherche et développement, elles comprennent très bien. Et constatent les effets : leurs proches sont plus apaisés, plus expressifs. Même les soignants l’aiment beaucoup. Dès que je déambule avec lui, tout le monde sourit.
Vous êtes favorable à d’autres robots thérapeutiques, plus sophistiqués ?
Pas vraiment. Ce que j’apprécie avec Paro, c’est sa forme animale, douce, non intrusive. Il ne parle pas, ne donne pas d’ordres. C’est cette neutralité qui permet l’échange. Un robot plus humanisé, plus bavard, risquerait de prendre trop de place. Ici, c’est l’émotion qui compte, pas la technologie.

Journaliste
Journaliste de presse écrite et animatrice de conférences, Valérie Ravinet s’intéresse aux sujets sociétaux aux croisement de la connaissance, de la…