L’Institut Montaigne publie une enquête sur la religion au travail, révélant une présence croissante des faits religieux en milieu professionnel. Elle pointe la nécessité de « cadrer l’expression de la religiosité et manager le fait religieux. »  

L’Institut Montaigne, think tank qui étudie les grands déterminants économiques, sociétaux, technologiques, environnementaux et géopolitiques, a publié, fin 2024, une enquête intitulée « Religion au travail – baromètre du fait religieux en entreprise ».  L’auteur de l’enquête, Lionel Honoré, est professeur des universités en sciences de gestion à l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Brest. L’enquête est menée auprès d’un échantillon de 25 000 cadres et managers et de salariés d’entreprises françaises. Le Baromètre met en évidence une présence croissante et diversifiée des faits religieux en milieu professionnel ainsi que la nécessité de « cadrer l’expression de la religiosité et [de] manager le fait religieux. »  

Qu’est-ce qu’un fait religieux ?  

En préambule, l’auteur de l’enquête définit le fait religieux comme « un fait, un comportement ou un événement ayant une dimension religieuse prise en compte comme telle dans le cadre des interactions professionnelles ». Il se manifeste de diverses façons : port de signes visibles - croix, voile, kippa -, objets religieux apportés sur le lieu de travail, prières sur les temps de pause ou par exemple encore, demandes de congés pour fêtes religieuses. Certaines pratiques, comme le refus de serrer la main d’une collègue ou de travailler sous l’autorité d’une femme, posent quant à elles des problèmes de gestion et de respect des règles dans l’entreprise.  

Une présence religieuse aux formes multiples, et en hausse  

En 2024, 71,3 % des managers disent avoir été confrontés à des situations de travail marquées par le fait religieux. Un chiffre en hausse de 5 points par rapport au baromètre précédent, réalisé en 2022. Si ces faits sont en grande majorité sans incidence directe, 23 % d’entre eux sont considérés « à forte densité religieuse », autrement dit, ils ont des conséquences avérées sur l’organisation du travail, la coordination des équipes ou encore le climat social.  

Le Baromètre relève que dans 54 % des cas, une intervention managériale est nécessaire, pouvant aller d’un simple ajustement de planning à une action disciplinaire. Il souligne également qu’il existe des situations qui s’assimilent à des tentatives d’imposer des normes religieuses au groupe, au détriment de la cohésion ou de l’efficacité. Enfin, les comportements négatifs envers les femmes sont en hausse de 13% par rapport à 2022, et représentent quasiment 15 % des cas. Quid du climat de travail dans ce contexte ? Il peut générer des situations de discrimination ou de stigmatisation d’après 32,5 % des managers interrogés qui observent que la religion devient un facteur de mise à l’écart ou de traitement différencié. Selon l’auteur de l’enquête "les chiffres varient fortement d’une appartenance religieuse à l’autre. 7 % des salariés pratiquants catholiques pensent avoir fait l’objet de stigmatisation religieuse mais ils sont 30 % pour les salariés juifs et 43 % pour les salariés musulmans".

Des réponses organisationnelles insuffisantes  

Autre constat objectivé par l’enquête, les entreprises peinent à poser un cadre clair. Selon Lionel Honoré, « les entreprises confrontées à ces enjeux s'efforcent de se doter d'outils, mais les initiatives demeurent souvent insuffisantes. Elles doivent persévérer en définissant des politiques claires d’inclusion et en mettant en place des dispositifs concrets traduisant ces principes en processus de gestion et en décisions managériales. Cela permettra aux différents acteurs – encadrants de proximité comme salariés pratiquants – de mieux se positionner et d'agir avec assurance et efficacité ».

Séverine Martin

Journaliste et cheffe d'édition

Séverine explore les domaines de l’économie, de la société, de la culture et des territoires, avec un même fil rouge : rendre l’information…