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Article - Intelligence artificielle

« L’IA est utile pour améliorer le lien entre une commune et ses habitants »

Photocollage du portrait de Philippe Venard sur fond bleu interview tech inno eurécia média

L’interview tech et innovation

Questions - réponses pour comprendre l’actualité de la technologie, de l’intelligence artificielle et de l’innovation

Depuis le mois de février dernier, les habitants de Chartres et de son agglomération, en Eure-et-Loir, peuvent converser avec une intelligence artificielle générative baptisée C’lia (prononcer Célia). À la tête d’un large pôle regroupant ressources humaines, culture, vie citoyenne, services juridiques et système d’information, Philippe Venard est directeur général adjoint en charge des ressources et de l’innovation. Il explique comment s'opère la bascule numérique au sein de la collectivité.


Pourquoi avoir voulu expérimenter l’intelligence artificielle au sein de la collectivité ?
Nous voulons accompagner une révolution technologique plutôt que la subir. Le maire a d’ailleurs donné le ton dès le départ, en prononçant un discours écrit par une IA. C’était une manière de provoquer un débat, de montrer que l’IA n’était pas un gadget, mais une vraie transformation, pour les agents comme pour les citoyens. En 2024, nous avons structuré une cellule innovation, composée d’un ingénieur spécialiste en intelligence artificielle et d’une chargée de mission. Cette cellule travaille selon trois axes : l’accompagnement des usagers, celui de nos agents, et l’intégration de l’IA dans nos propres process.

Que proposez-vous aux 1 500 agents de la collectivité ?
Nous proposons une acculturation à l’IA et à ses utilisations. Chacun a accès à des IA génératives comme ChatGPT, Perplexity ou encore Gamma pour réaliser des présentations PowerPoint, mais aussi des solutions spécialisées comme Delib’IA pour la rédaction de marchés publics. Si certains agents ont montré une certaine résistance au début de ce programme, ils sont de plus en plus convaincus. Les comptes-rendus sont plus complets et plus clairs, les présentations plus attractives et réalisées en moins de temps. Nous avons misé sur l’usage : montrer ce que ça change, ce que ça simplifie. Le bouche-à-oreille fait le reste. En trois mois, plus de 150 agents ont suivi une formation à l’utilisation des IA, sur la base du volontariat. 

Vous développez aussi vos propres solutions ?
Oui. Nous avons développé un outil qui transforme un enregistrement audio en compte rendu de réunion, C’recap, ou Cadastreo qui permet d’interroger le PLU en langage naturel ; ou encore Archéa pour dialoguer avec des œuvres ou des bâtiments via QR code. L’IA permet ici de gagner du temps, de la clarté, de l’accessibilité. Certains outils automatisent des fonctions. 

Comment cela est-il perçu ?
On repositionne les agents sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Répondre 50 fois à la même question dans une journée, ce n’est pas enrichissant. L’IA prend le relais sur ces tâches répétitives, libère du temps pour mieux accompagner les cas complexes. C’est le cas avec C’LIA, l’outil au service des usagers, qui sera déployé de manière encore plus large à l’avenir.

Comment gérez-vous les risques, notamment les hallucinations des IA ?
D’une part, nous disposons d’une charte d’usage que tous les agents doivent signer. D’autre part, nous ne confions pas les données stratégiques à ChatGPT, nous utilisons des bases de données spécialisées. Ce sont des IA plus cloisonnées, basées sur nos données internes.

Mesurez-vous l’empreinte environnementale de ces usages ?
L’énergie est déjà dépensée pour collecter et stocker de la donnée. L’enjeu, c’est de ne pas la gaspiller. Structurer, mutualiser, exploiter, c’est aussi une forme de frugalité numérique. On avance avec cette double exigence : expérimenter et rester lucides.

Pourquoi, selon vous, cette transformation est-elle indispensable ?
Parce que l’IA va transformer tous les métiers. Et si nous n’accompagnons pas nos agents et nos citoyens à la maîtriser, nous creusons les inégalités. Ne pas maîtriser l’IA demain, ce sera comme ne pas savoir utiliser un ordinateur hier. Et nous, notre mission, c’est justement d’embarquer tout le monde dans cette transition et d’être pionnier dans la transformation des services publics. 


Propos recueillis par Valérie Ravinet

Journaliste

Journaliste et autrice, Valérie explore les grands sujets de société à la croisée des sciences, de l’économie et du vivant. Numérique, intelligence…

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