Melting work
Les inspirations et les modèles dénichés partout dans le monde
Un lundi matin à Johannesburg. Douze salariés autour d’une table. Pas de slides, pas d’objectifs trimestriels. Juste une question : « Quelle fragilité m’a appris quelque chose cette semaine ? »
Chez Discovery, géant sud-africain de l’assurance, ces Ubuntu Circles ont remplacé beaucoup de réunions classiques. Ici, on ne parle ni résultats ni KPIs : on met ses failles sur la table. Si vous avez sursauté en lisant ces derniers mots, c’est normal : l’idée ferait pâlir n’importe quel manager occidental. Dans nos organisations, où l’on cache les doutes derrière des tableaux de bord, l’idée d’exposer ses failles n’a rien d’une promenade de santé.
Ubuntu, la philosophie devenue méthode
Ubuntu, en zoulou, signifie : « Je suis parce que nous sommes ». Discovery en a fait sa raison d’être. Cela a même valu à l’entreprise le prix Ubuntu Award, décerné par le Ministère sud-africain des Relations internationales en 2016, distinction attribuée aux acteurs qui incarnent la solidarité et l’inclusion.
Alors, concrètement, comment cette philosophie se traduit-elle sur le terrain ? Les cercles de parole inversent la logique hiérarchique. Chacun partage une difficulté vécue ; les autres n’offrent pas de conseil, mais une caisse de résonance : « voici ce que cela évoque pour moi ». La séance se clôt par une leçon universelle, un fil commun tissé à partir de récits singuliers.
Les effets sont mesurables : +18 % d’engagement et –16 % de turnover volontaire dans les départements pilotes, selon CHRO South Africa. D’autres études, menées par l’Université de Johannesburg et la Templeton World Charity Foundation, confirment l’impact du modèle : +23 % de sentiment d’appartenance, –15 % de départs managériaux. La vulnérabilité se révèle force.
La fragilité comme responsabilité partagée
Après la pandémie, Discovery a vu le burn-out comme un signal collectif plutôt qu’un épuisement individuel. La fragilité n’était plus à traiter en aparté, mais à partager en groupe. Les ateliers From Burnout to Ubuntu ont suivi cette logique : la santé émotionnelle d’une organisation se mesure à sa capacité à se soutenir quand ça craque.
La méthode n’a rien d’un rituel cathartique. Elle repose sur une idée très précise du lien : celui qui parle se dépouille, ceux qui écoutent portent un instant ce qu’il vient de dire. Cette réciprocité, presque physique, fait éclore la confiance.
Le récit collectif comme antidote aux silos
Dans ces cercles, les titres disparaissent. Un ingénieur raconte un échec, une comptable parle d’un deuil ; soudain, le collectif se retrouve autour d’une humanité partagée. Discovery a compris avant beaucoup d’autres que la cohésion ne se décrète pas, elle se pratique tous les jours. Les mots circulent, les rôles se déplacent, les masques tombent. Et dans cet espace nu, quelque chose de solide renaît : la conscience du nous.
Ubuntu ne promet pas des salariés parfaits ni des managers thérapeutes. Il rappelle une sagesse ancienne : on devient soi dans la relation. Il rappelle que nous sommes tous connectés. Et au moment où l’individualisme devient la norme, ces cercles d’écoute offrent une réparation discrète : la permission d’être humain, ensemble.

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Melting work
Bienvenue à bord de la chronique qui vous emmène dans les coulisses des entreprises d’ailleurs, là où les cultures se mélangent, innovent et inspirent. Venez explorer les pratiques de travail qui font bouger les lignes à travers le monde. Sans jargon et avec les éclairages des experts en management interculturel, vous découvrirez le travail sous un jour nouveau. Attention au décollage ; gardez la ceinture attachée durant notre voyage car vos certitudes risquent d’être bousculées !