Mythes de bureau
Quand nos idées reçues sur le travail ont la vie dure
Empathie, leadership, optimisme, créativité… autant de soft skills que l'on classerait dans la catégorie des "dons naturels", impossible à acquérir si on n'a pas eu la chance de naître avec. Pourtant, 44 % des entreprises ont formé leurs collaborateurs aux soft skills en 2024, selon le 5e Baromètre des soft skills 2025 “Les soft skills, Compétences de l’humain face à la machine baromètre” publié par Lefèbvre-Dalloz.
Alors pourquoi cette croyance persiste-t-elle ?
On est empathique, ou on ne l'est pas
Avons-nous appris l'empathie à l'école ? À mieux gérer nos émotions ? Non. On nous a enseigné des savoirs, des techniques avec des règles claires : résoudre une équation, conjuguer un verbe, réciter une formule. Une logique bien loin du “soi” et du relationnel, qui nous suit jusqu'en entreprise.
Il suffit d’observer les catalogues de formations pour s'en rendre compte. Jusque dans les années 2010, les entreprises proposaient exclusivement aux collaborateurs de développer des compétences techniques, les fameuses hard skills. Rien pour se former aux soft skills, appelées aussi compétences humaines et comportementales. Et pour cause : la personnalité relevait de l'inné, et non de l'acquis. Les collaborateurs arrivaient avec leur tempérament et l'entreprise s'en accommodait. Naturellement charismatique ? Parfait pour manager. Plutôt réservé ? Cantonnement aux tâches techniques. Chacun restait dans sa case.
Des croyances qui ont longtemps conditionné (et conditionnent encore) les carrières. De nos jours, il est encore fréquent de promouvoir des collaborateurs extravertis au poste de manager parce qu'ils sont "naturellement" fédérateurs et audacieux, contrairement aux introvertis jugés timides et sensibles.
Les stéréotypes de genre renforcent cette fatalité. "Les femmes sont empathiques", "les hommes ont l'autorité dans le sang". Des raccourcis qui biaisent le recrutement et limitent les évolutions de carrière, transformant des compétences développables en prédestinations génétiques. Pourtant, les contre-arguments ne manquent pas.
En 2025, on peut objectivement prouver que oui, les soft skills s’apprennent.
Des résultats qui parlent plus fort que les préjugés
Avec l’essor du télétravail, de la technologie et des enjeux économiques et sociaux, le monde du travail s'est transformé. Et avec lui, nos besoins en compétences. Si bien qu'il est impossible aujourd'hui de naviguer dans l'incertitude sans développer certaines aptitudes considérées hier comme innées.
Prenons l’exemple de l'empathie. Longtemps vue comme un trait de caractère figé, elle se révèle en fait parfaitement mesurable en entreprise. Un collaborateur empathique reformule les propos de ses interlocuteurs pour vérifier sa compréhension, adapte son discours selon son audience, prend en compte les émotions dans ses décisions. Des comportements observables, donc développables.
D'autant que la science nous donne raison : les recherches sur la neuroplasticité prouvent que notre cerveau se réinvente en permanence. Nous pouvons littéralement sculpter nos réflexes comportementaux.
Et les chiffres le confirment : une enquête Wiley de 2024 révèle que 63% des salariés ayant suivi une formation soft skills constatent un impact positif sur leur performance au travail, et 48% d’entre eux jugent que cela a eu le même impact sur leur évolution professionnelle. Une étude menée par des chercheurs d'Harvard, de Boston et de Michigan's Ross School of Business révèle aussi que les collaborateurs formés aux savoir-être sont 12% plus productifs que leurs pairs non formés, avec un retour sur investissement de 256%.
Alors oui, les soft skills s'apprennent bel et bien. Les entreprises qui persistent à croire que l’empathie ou le leadership sont des loteries génétiques se privent d'un levier de développement majeur. Et dans un contexte marqué par une forte concurrence et des métiers en tension, il est plus que jamais temps de mettre fin à cette idée reçue.

Experte juridique & RH
Ancienne juriste et RH, Sonia n’a jamais tourné le dos à l’entreprise… même si son rêve était d’écrire des scénarios pour le cinéma. Aujourd’hui…
Mythes de bureau
Préjugés, idées reçues, on-dit : le lieu où l’on travaille est un théâtre de « vérités » qui influencent nos manières de travailler et de vivre ensemble. Mais rien n’est tout blanc ou tout noir. Mythes de bureau apporte de la nuance là où il n’y en a pas toujours. Une manière de prendre de la hauteur sur nos comportements et nos croyances.