Nouveaux métiers
Chaque semaine un métier en émergence
On ne juge plus une entreprise uniquement à ses bénéfices, mais aussi à son empreinte carbone, à sa gouvernance ou à la diversité de ses équipes. Cela s’appelle l’information extra-financière. Longtemps mise de côté, elle s’impose de plus en plus dans les entreprises et plus de 80 % des investisseurs la jugent déterminante dans leurs décisions. Pour répondre à de nouvelles obligations de reporting, un nouveau métier émerge : spécialiste en performance extra-financière.
Le métier décrypté
Le ou la spécialiste en performance extra-financière révèle ce que les tableaux Excel ne montrent pas. Il mesure l’impact d’une entreprise sur l’environnement, la société et sa propre gouvernance. En bref, il ou elle transforme des engagements flous en données concrètes, exploitables et comparables. Son quotidien ? Dans une grande entreprise, iel peut cartographier les émissions carbone de toute une chaîne logistique, ou évaluer les politiques de diversité interne. Dans un fonds d’investissements, il analyse les portefeuilles à travers la grille ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Dans une PME, il anticipe les exigences réglementaires qui arrivent à grande vitesse. Il collecte les données de tous les départements — RH, achats, logistique, finance — les met en forme, les rend intelligibles, et surtout, actionnables. Son objectif : aider les dirigeants à piloter autrement, en intégrant les impacts sociétaux à leur stratégie. Ce rôle transversal lui donne une vision rare sur l’organisation. Il fait le lien entre la performance économique et les impacts invisibles, ceux qu’on ne trouve pas encore dans les bilans comptables et les reportings financiers. Et cette vision est de plus en plus stratégique. Avec l’entrée en vigueur de la directive CSRD, les entreprises de plus de 500 salariés, avec un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros ou un total du bilan dépassant 20 millions d’euros, doivent se conformer à un reporting extra-financier rigoureux, dès 2025. Ensuite, les PME et ETI suivront.
Le lexique du métier ESG : Environnement, Social, Gouvernance sont les trois piliers de l’analyse extra-financière |
Les compétences clés
Ce métier demande des compétences hybrides et transversales. Il faut savoir manier les chiffres autant que les mots. Côté technique, le spécialiste en performance extra-financière maîtrise les outils de data (Excel avancé, SQL, parfois Python), les référentiels normatifs (GRI, SASB…) et les méthodes de reporting. La rigueur est essentielle : la moindre erreur peut fausser un reporting et décrédibiliser l’entreprise. Même si la data est centrale dans ce métier, ce n’est pas uniquement un métier de chiffres. Il faut aussi convaincre, vulgariser et embarquer les équipes. Car faire bouger les lignes en interne demande de la pédagogie, de la diplomatie, et parfois un peu de politique. Le métier demande de la flexibilité parce qu'il évolue vite. Les normes changent, les attentes sociétales aussi. Il faut donc rester en veille permanente et savoir s’adapter rapidement. L’agilité intellectuelle est indispensable. La gouvernance, par exemple, est considérée comme l’aspect extra-financier le plus pertinent par 79 % des investisseurs spécialisés en ISR (investissement socialement responsable). Autrement dit, le métier ne se limite pas à compter les émissions de CO2. Il s’agit aussi d’évaluer comment une entreprise prend ses décisions et comment elle rend des comptes.
L' avenir du métier et les évolutions possibles
Ces profils hybrides, capables de piloter leur transition extra-financière, sont extrêmement recherchés aujourd’hui. Les rémunérations suivent : un profil junior peut espérer entre 35 000 et 45 000 euros bruts par an. Les spécialistes expérimentés ou managers peuvent dépasser les 80 000 euros bruts annuel. Côté formation, l’offre s’élargit pour suivre la demande. Des cursus comme le Certificat Information extra-financière de l'Université Paris Dauphine-PSL ou certains masters en développement durable intègrent désormais ces compétences dans leur programme. Les écoles de commerce s’adaptent également à ce nouveau besoin.
Et demain ? Le métier va probablement se spécialiser davantage. Certains se concentreront sur un secteur (finance, industrie, tech), d’autres deviendront des experts de l’analyse prédictive en s’appuyant sur l’IA. D’autres encore joueront un rôle stratégique auprès de la direction générale. Car ce métier est en train de changer de raison d’être. Il ne s’agit plus seulement de produire un reporting annuel. Il s’agit de redéfinir la performance, en y intégrant l’impact global d’une entreprise. En somme, ces spécialistes deviennent les architectes d’un nouveau modèle de valeur. Plus durable. Plus transparent. Plus exigeant.

Rédactrice
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