À la loupe
L’essentiel des études et données récentes qui éclairent les tendances du monde du travail
Malgré un niveau de diplôme souvent élevé, 55 % des jeunes diplômées en informatique quittent le secteur en début de carrière, selon le CEET. Selon une étude du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), plus d’une diplômée en informatique sur deux s’éloigne des métiers liés à sa spécialité dans les premières années de carrière. Cette réorientation, beaucoup plus fréquente que chez les hommes, réduit fortement les chances de ces professionnelles d’accéder à des postes de cadres, et entraîne des salaires et une stabilité d’emploi moindres, malgré un niveau de diplôme souvent plus élevé.
Une filière encore très masculine
Malgré la progression des effectifs féminins dans plusieurs filières scientifiques, l’informatique reste largement masculine. Au lycée, seules 2,5 % des filles en première générale choisissent la spécialité numérique et sciences informatiques, contre 15 % des garçons. Deux tiers d’entre elles abandonnent cette spécialité avant la terminale. À l’université, les femmes ne représentent que 30 % des étudiants en sciences fondamentales et applications, et moins de 10 % des inscrits en écoles d’informatique.
Cette faible présence contraste fortement avec le dynamisme du secteur. Sous l’effet de la révolution numérique, les métiers de l’informatique offrent aujourd’hui des débouchés en forte croissance et une qualité d’emploi supérieure à la moyenne (Erhel, Donne & Elbaz, 2023), qu’il s’agisse de la rémunération, de la sécurité de l’emploi, des conditions de travail ou des perspectives d’évolution. Autrement dit, les femmes restent minoritaires précisément là où les opportunités sont les plus fortes.
Des débuts prometteurs, mais en trompe-l’œil
Pourtant, les diplômées en informatique présentent a priori des trajectoires d’insertion positives. Près d’une sur deux devient cadre trois ans après le diplôme, et le salaire brut moyen atteint 2 080 €, soit plus de 500 € de plus que la moyenne observée chez l’ensemble des femmes.
Ces résultats tiennent toutefois à une sursélection scolaire. Les femmes qui se maintiennent dans ces formations ont plus souvent obtenu un baccalauréat général avec mention, poursuivi des études longues et intégré des écoles d’ingénieurs. À niveau de diplôme équivalent, les inégalités demeurent : 75 % des femmes titulaires d’un Bac +5 ou plus deviennent cadres, contre 88 % des hommes. Et lorsque le diplôme est inférieur, seuls 10 % des femmes accèdent à un poste de cadre, contre 20 % des hommes.
Un secteur que les femmes quittent plus souvent
Une fois diplômées, les femmes sont aussi plus nombreuses à s’éloigner de l’informatique. Seules 20 % travaillent encore dans les technologies de l’information à 30 ans, et 9 % au-delà de 45 ans. Trois ans après la fin de leurs études, 55 % des diplômées exercent un métier sans lien avec leur spécialité, contre 44 % des hommes. Et lorsqu’elles changent de métier, elles changent aussi de secteur : 90 % des femmes qui se réorientent ne travaillent plus dans une entreprise du secteur informatique, mais dans des domaines comme l’administration, le commerce, la finance, l’enseignement ou l’édition.
Une réorientation aux conséquences plus lourdes
La sortie des métiers de l’informatique pénalise davantage les femmes. Parmi les diplômées les plus qualifiées, 93 % obtiennent un poste de cadre lorsqu’elles exercent un métier informatique. Mais lorsqu’elles se réorientent vers d’autres secteurs, cette proportion tombe à 59 %, contre 74 % pour les hommes.
Les perspectives d’emploi s’en ressentent également : celles qui quittent les métiers liés à leur formation en informatique accèdent moins souvent à un CDI (70 %, contre 98 % pour celles restées dans l’informatique) et perçoivent près de 500 € bruts mensuels de moins.
Lorsqu’elles quittent l’informatique, les femmes paient donc un prix plus élevé que les hommes. L’étude ne détaille pas les causes, mais les travaux cités soulignent le rôle de l’entre-soi masculin et de pratiques sexistes susceptibles de rendre ces environnements moins accueillants.
Un enjeu majeur pour la filière
Dans un contexte où les métiers du numérique recrutent fortement, la difficulté à retenir les diplômées constitue un enjeu majeur. L’étude montre que le défi ne se limite pas à attirer davantage de jeunes filles vers ces formations, il s’agit surtout de créer des conditions de travail permettant aux femmes de se maintenir durablement dans ces métiers.

Journaliste
Qu’il s’agisse d’économie, de design ou de presse jeunesse, Marie, journaliste de métier, aime explorer des univers contrastés (différents ?) et en…
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