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Article - Communication interne

Finlande : le charme discret du conflit sans drama

Trois collègues discutent calmement dans un open space moderne, chacun tenant un café

Melting work

Les inspirations et les modèles dénichés partout dans le monde

Pas d’éclats de voix. Pas de dossiers qui claquent sur la table. Pas de messes basses à la machine à café. Juste un échange calme où chacun expose son point de vue. Même sur un sujet sensible. Même s’il y a désaccord. Plus on monte vers le nord de l’Europe, plus les relations semblent feutrées. Les voix ne portent pas, les différends non plus. Ici, pas de confrontation frontale, ni de non-dits soigneusement entretenus : on préfère prévenir que guérir, discuter plutôt qu’esquiver.  

La Finlande pourrait bien être un modèle de gestion des conflits. Deux ingrédients y jouent un rôle clé : une hiérarchie discrète et une communication sobre, factuelle, respectueuse. Pas besoin de chef pour arbitrer, ni de clash pour avancer. Le conflit, s’il survient, se règle sans cris ni larmes.  

Pas de chef, pas de guerre ?    

En Finlande, pas besoin d’un chef pour régler les conflits. On a mieux : une organisation du travail qui évite qu’ils ne dégénèrent. Geert Hofstede, chercheur en management international, parle d’une faible distance hiérarchique. Le pouvoir y est largement décentralisé et la hiérarchie existe essentiellement par souci de commodité, mais pas pour imposer l’autorité. Les managers facilitent et responsabilisent les employés, plutôt que de contrôler ou de diriger de façon autoritaire. À chacun de prendre ses responsabilités, de signaler un malaise et de proposer une solution.

Dans ce mode d’organisation plat, les tensions ont peu de chance de dégénérer en guerre de tranchées. Les difficultés relationnelles sont débusquées plus vite, se discutent à égalité et se résolvent sans escalade. L’autorité est discrète, la parole circule et le rapport de force devient sans objet. Certaines entreprises finlandaises en ont même fait le cœur de leur stratégie. Chez Reaktor ou Futurice, deux fleurons de la tech locale, les équipes fonctionnent avec une autonomie presque totale. Pas de hiérarchie visible. Pas de luttes de pouvoir. Pas de clashs qui pourrissent l’ambiance. Mais des collaborateurs responsabilisés, capables de coopérer sans supervision constante.

L’art du conflit sans drama  

Une légende urbaine raconte que plus une organisation est féminisée, plus les tensions émotionnelles sont fortes. Faux. Le psychologue néerlandais Geert Hofstede démontre que plus une culture est féminine, plus elle valorise la coopération, la prise en compte de chacun et chacune ainsi que la recherche de consensus, plutôt que la compétition et la réussite individuelle à tout prix. Quel impact sur la gestion de conflits ?  

En Finlande, on peut être en désaccord sans que ce soit un problème. Mieux : sans que ce soit personnel. On y met plutôt l’accent sur l’égalité et la solidarité, ce qui limite l’escalade. Pas besoin d’élever la voix, d’accuser, ou de ruminer en silence pendant six mois. On dit les choses, posément, clairement, sans chercher un coupable.  

L’une des clés est la communication. On parle des faits, pas des intentions. On formule un besoin, pas une attaque. Et surtout, on écoute pour comprendre, pas pour répondre. Dès l’école, les Finlandais apprennent à débattre sans s’invectiver, à argumenter sans dominer. Plus tard, dans les entreprises, le désaccord est vu comme une discussion, pas comme un drame. C’est tout un état d’esprit : désamorcer au lieu de gérer. Collaborer au lieu de trancher. Et surtout, ne jamais confondre conflit et violence.

Le désaccord, ce bug dans la culture d’entreprise à la française  

En France, le poids hiérarchique est encore bien présent. Le désaccord peut vite être perçu comme une insubordination. Alors, on balaie les tensions sous le tapis, on esquive les conflits, jusqu’à ce qu’ils poussent le couvercle de la cocotte-minute. Ou qu’ils pourrissent lentement l’ambiance, comme un sandwich au thon oublié dans le frigo de la cafétéria. La culture du management à la française valorise le contrôle, la verticalité, la décision venue d’en haut. Parfois, exprimer un malaise peut passer pour une faiblesse ou pire, un affront. Et comme la communication reste souvent indirecte, les signaux faibles restent bloqués entre les étages. On croit maintenir l’harmonie, on cultive les frustrations.

Alors que peut nous apprendre la gestion des conflits à la finlandaise ?  

Qu’un cadre sain vaut mieux qu’un énième atelier sur la communication bienveillante. Que la parole circule si elle n’a pas besoin d’être validée. Que la hiérarchie, quand elle écoute au lieu de trancher, calme bien des tensions. Et que prévenir, ce n’est pas fuir le conflit. Pas besoin de devenir finlandais. Mais on peut, nous aussi, désamorcer sans dramatiser. Faire de la parole un outil, pas un risque. Et si grandir, pour une organisation, c’était d’abord apprendre à s’engueuler intelligemment ?

Rédactrice

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Bienvenue à bord de la chronique qui vous emmène dans les coulisses des entreprises d’ailleurs, là où les cultures se mélangent, innovent et inspirent. Venez explorer les pratiques de travail qui font bouger les lignes à travers le monde. Sans jargon et avec les éclairages des experts en management interculturel, vous découvrirez le travail sous un jour nouveau. Attention au décollage ; gardez la ceinture attachée durant notre voyage car vos certitudes risquent d’être bousculées ! 

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