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Article - Carrière

Encore un mythe tenace : “avoir du pouvoir, c’est être libre ”

Un dirigeant seul à son bureau, symbole du pouvoir et de ses contraintes

Mythes de bureau

Quand nos idées reçues sur le travail ont la vie dure

L'image d'Épinal du dirigeant libre de ses mouvements s'est solidement ancrée dans nos esprits. Mais dans la réalité, cette liberté n’est jamais totale, bien au contraire.

Le fantasme du dirigeant tout-puissant

Horaires à la carte, décisions prises en toute autonomie, bureau spacieux avec vue imprenable... Le pouvoir serait synonyme d'émancipation totale des contraintes qui pèsent sur le commun des mortels. Plus de pointeuse, plus de chef sur le dos, plus de procédures à respecter. Juste la liberté de façonner son travail selon ses ambitions.

Cette vision romancée du pouvoir trouve ses racines dans nos représentations collectives. Les séries télé nous montrent des PDG qui débarquent au bureau à 11h en décidant d'annuler toutes leurs réunions à la dernière minute. Le cinéma nous abreuve d'images de dirigeants tout-puissants qui claquent des doigts pour faire plier le monde à leur volonté. Ces représentations alimentent un fantasme tenace : plus on monte dans la hiérarchie, plus on s'affranchit des règles.

D'ailleurs, ne nous voilons pas la face : cette promesse de liberté motive en partie notre appétit pour les responsabilités. Qui n'a jamais rêvé de pouvoir dire non aux réunions inutiles ? De choisir ses projets sans subir les lubies d'un supérieur ? De maîtriser enfin son agenda plutôt que de le subir ?

Mais voilà, il y a un hic : entre l'image et la réalité, parfois un gouffre existe. Car quand sonne 22h47 avec l'annonce d'une OPA hostile sur l'entreprise, et qu'il faut réagir avant l'ouverture des marchés, la question se pose : liberté ou urgence permanente ?

Les chaînes invisibles du pouvoir

La réalité frappe souvent dès les premiers mois. Car si le pouvoir libère de certaines contraintes, il en crée d'autres, différentes, et parfois inattendues.

D'abord, il y a cette solitude décisionnelle qui s'installe. Quand il faut trancher sur une restructuration délicate ou arbitrer entre deux projets stratégiques, impossible de déléguer. Ces choix cruciaux, on les porte seul, avec les implications humaines et économiques qui vont avec. Certes, on consulte, on échange, mais finalement, c'est sa propre signature qui engage l'entreprise. Une responsabilité qui peut peser lourd, surtout quand les décisions touchent directement les équipes.

Ensuite, la nature de la pression change radicalement. Exit le stress ponctuel du dossier à boucler : place à une tension plus diffuse mais constante. Les objectifs à atteindre, les équipes à motiver, les investisseurs à rassurer... Chaque décision se répercute à plusieurs niveaux. Cette responsabilité élargie transforme le rapport au travail : on ne gère plus seulement ses propres tâches, mais l'impact de ses choix sur l'ensemble de l'organisation.

Il y a aussi ce paradoxe de l'agenda qui surprend beaucoup de nouveaux dirigeants. Contre toute attente, plus on monte dans la hiérarchie, moins on maîtrise son emploi du temps. Les réunions stratégiques s'enchaînent, les urgences surgissent, les demandes affluent de toutes parts.

Heureusement, des stratégies et bonnes pratiques existent pour apprivoiser ces nouvelles contraintes. Par exemple, s’entourer d’un cercle de confiance, avec des personnes aux profils variés (conseillers, pairs, RH, mentors) pour obtenir des conseils multiples et avisés, mais aussi éviter l’isolement et multiplier les sources de regard critique et de soutien.  Autre bonne initiative : s’imposer des blocs de temps non négociables pour réfléchir et prendre du recul. Cette organisation protège la liberté intellectuelle face aux urgences opérationnelles.

Enfin, comme le souligne Satya Nadella, PDG de Microsoft : "La vulnérabilité est la source la plus sincère de courage et de connexion". Cultiver la transparence sur ses doutes permet de créer des liens authentiques avec ses équipes.  

Alors oui, le pouvoir offre une liberté réelle, mais comme le résume Frédéric Fréry, professeur à l’ESCP Business School : "Le pouvoir ne libère pas des contraintes, il en change la nature".

Experte juridique & RH

Ancienne juriste et RH, Sonia n’a jamais tourné le dos à l’entreprise… même si son rêve était d’écrire des scénarios pour le cinéma. Aujourd’hui…

Mythes de bureau

Préjugés, idées reçues, on-dit : le lieu où l’on travaille est un théâtre de « vérités » qui influencent nos manières de travailler et de vivre ensemble. Mais rien n’est tout blanc ou tout noir. Mythes de bureau apporte de la nuance là où il n’y en a pas toujours. Une manière de prendre de la hauteur sur nos comportements et nos croyances.

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