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Article - Inclusion

L’égalité au travail reste aveugle à la question raciale

Illustration : égalité au travail et discriminations raciales en entreprise

À la loupe

Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail

Une étude de la Dares de juillet 2025 montre que dans les négociations d’entreprise, la question ethno-raciale reste un véritable angle mort. Si les entreprises françaises ont fait bouger les lignes sur le genre ou le handicap, le dialogue social sur ce sujet reste bloqué entre invisibilisation et malaise. En cause, la difficulté à nommer les discriminations et à évaluer ce qu’il y aurait à corriger.

La « diversité » sans la nommer

La négociation collective devrait s’emparer de tous les sujets d’égalité, à l’instar du handicap, de l’âge ou encore du genre. Or, en pratique, la question de l’origine passe à la trappe. Sur plus de 90 000 accords signés entre 2014 et 2021, seuls 227 traitaient uniquement de la diversité ou de la lutte contre les discriminations. Et dans ces rares cas, les mentions de l’origine ou de la couleur de peau restaient floues. 

Dans les grandes entreprises, le constat est sans appel. 24 % d’entre elles ont un accord « diversité », contre 95 % pour l’égalité femme-homme et 76 % pour le handicap. Depuis les années 2000, la lutte contre les discriminations s’est d’ailleurs transformée note l’étude. On parle d’inclusion ou de diversité, mais jamais ne sont évoquées la « race » ou l’origine. Et en gommant le mot, on gomme aussi le sujet.

Des politiques stériles

L’étude compare des accords « diversité » signés en 2007 à d’autres plus récents, de 2020 et 2021. Verdict ? Rien n’a vraiment changé. Les actions phares restent les mêmes : formation des managers, campagnes de sensibilisation, audits de recrutement ou partenariats avec des associations afin de favoriser l’embauche. Seule nuance, ces partenariats ciblent parfois les jeunes « issus des quartiers prioritaires » ou les réfugiés. 

Autrement dit, on parle de territoire, de niveau social, mais jamais d’origine ethno-raciale. Et les salariés racisés déjà en poste restent invisibles, les inégalités de carrière, de salaire ou de reconnaissance n’étant quasiment jamais évoquées. Plus fort, même les outils censés aider à appréhender le sujet, comme le CV anonyme, ont été relégués.

« On ne peut pas compter, donc on ne peut pas agir »

Voilà ce qui ressort des 34 entretiens réalisés avec des représentants syndicaux et des responsables RH. Globalement, deux explications prédominent. La première étant le déni. « On a 160 nationalités ici » ou encore « ça n’existe plus », entend-on souvent selon la DARES. Une diversité visible qui sert en réalité à argumenter qu’il n’y aurait pas de racisme. Mais cela évite de regarder ce qui se passe vraiment dans les murs : promotion, ambiance et discrimination au quotidien. La seconde, c’est la difficulté à mesurer. Beaucoup d’entre nous pensent encore que les statistiques ethniques sont interdites en France. Faux. Il est possible, sous conditions, de collecter des données anonymes sur le lieu de naissance ou le ressenti face à la discrimination. 

Or ces démarches font peur, jugées trop sensibles ou risquées, et ne sont jamais initiées. Pourtant, des chiffres existent. En 2019-2020, 20 % des descendants d’immigrés et 22 % des immigrés disent avoir été traités injustement à cause de leur origine. En 2023, près de la moitié des réclamations déposées au Défenseur des droits pour discrimination liée à l’origine concernaient le travail : à poste équivalent, un homme dont les parents viennent d’Afrique subsaharienne gagne encore en moyenne 407 euros de moins qu’un collègue blanc.

Journaliste et cheffe d'édition

Séverine explore les domaines de l’économie, de la société, de la culture et des territoires, avec un même fil rouge : rendre l’information…

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