Générations
Quand une millennial explore le rapport au travail des différentes générations
Le terme “slasheur”, ça vous parle ? Avant de devenir professeure de yoga l’an passé, en parallèle de mon métier de marketeuse, ce mot ne me disait rien. Pourtant, il semblerait bien que je fasse aussi partie de la famille des slasheurs, ces individus qui cumulent deux emplois à la fois. Une famille plus grande qu’il n’y paraît d’ailleurs : selon les derniers chiffres à date, en 2022 nous représentions plus d’un quart des actifs français d’après une étude réalisée pour le Salon SME par Creatests.
Un phénomène typique de ma génération ? Peut-être pas tant que ça.
Slashing : un “truc de jeunes” ?
Vous vous représentez peut-être les slasheurs comme des petits jeunes qui lancent leur business en ligne ou leur activité artisanale en plus de leur CDI ? À l’origine, j’imaginais moi aussi ce portrait-type du slasheur. Après tout, dans ma génération Y, tout comme dans celle mes cadets de la Gen Z, nous sommes habitués au multitasking (entendons par là, habitués à effectuer plusieurs tâches simultanément) - et ce, depuis nos études. Selon l’INSEE, en 2023, 22 % des jeunes de 15 à 29 ans occupaient un emploi en parallèle de leurs études. Il ne serait donc pas étonnant que la génération zapping continue à avoir la bougeotte une fois son diplôme décroché, et veuille continuer à exercer ses multiples talents dans plusieurs emplois. J’imaginais aussi les slasheurs comme des individus en quête d’un revenu complémentaire, surtout à l’heure où la crise économique gèle les augmentations de salaire et fait des processus de recrutement un véritable casse-tête. Mais devinez quoi ? Une fois n’est pas coutume dans cette chronique sur les générations au travail : il semblerait que ce ne soit pas seulement une affaire générationnelle.
Un phénomène systémique au-delà des générations
En sortant le nez des chiffres, et en tournant le regard vers mes proches, je me rends compte que le nombre de slasheurs qui m’entourent croît. Mon voisin, la cinquantaine, monteur dans le cinéma, vend en parallèle ses créations en céramique. La vendeuse du supermarché à côté de chez moi, la soixantaine, promeut à qui veut l’entendre, entre deux bips de caisse, son activité d’énergéticienne. Et mon père, la retraite arrivée, s’est jeté sur une activité de consultant en freelance. Le phénomène prend tellement d’ampleur qu’il dépasse une simple tendance fugace. Un Observatoire du Slashing a même été créé en 2021. Dans un rapport il nous éclaire sur ce qui fait qu’on devient slasheur. Je vous arrête tout de suite : les contraintes financières n’y sont pour rien, puisque 93 % des slasheurs le font par choix pur et dur. En réalité, pour 47,1 % des slasheurs, l’élément déclencheur qui les pousse vers le multi-emploi est… roulement de tambour... la quête de sens dans la vie professionnelle !
Le goût du (multi-)travail
Cette quête de sens, c’est le point de convergence entre mon voisin, ma caissière, mon père et moi. Quatre tranches d’âge distinctes, une même envie : trouver plus de profondeur dans une carrière peut-être trop morose, peut-être trop peu créative… en tout cas, pas assez stimulante. À l’ère où les changements de cap stratégiques des entreprises et les décisions managériales nous semblent souvent dénués de sens, le slashing s’impose comme une solution (pas toujours évidente à gérer !) pour retrouver le contrôle sur nos vies professionnelles. Regagner le goût de travailler avec un objectif qui a du sens, impulser de la couleur de nos idéaux, être aligné sur nos valeurs, et nos envies. Et l’envie, ça n’a rien de générationnel. Le slashing, c’est le résultat d’un monde de l’emploi qui oublie qu’on est avant tout des êtres faits d’émotion - à décrypter via sa racine latine, ex - movere, “mettre en mouvement”. Le slashing, c’est la mise en mouvement d’individus qui veulent mieux qu’un “9 à 5” potentiellement ennuyeux. Alors, attention les yeux : dans les années qui viennent, si les entreprises ne parviennent pas à nous redonner le goût de l’emploi unique, il y a fort à parier que ça va slasher dur !

Rédactrice
Content Manager indépendante, Eléonor a une patte littéraire dans un gant de velours 2.0. Fascinée par les interactions humaines et l’univers du web…
Générations
Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe dans la tête de vos plus jeunes collaborateurs ? Ou pourquoi vos collègues plus âgés ne semblent pas travailler comme vous ? Appartenant moi-même à la génération des millennials, j’observe avec curiosité les nouvelles interactions humaines. Avec Générations, explorons comment les différentes générations façonnent leur rapport au travail : aspirations, valeurs et modes d’interaction. Une réflexion sur ce qui nous distingue… et ce qui pourrait nous rapprocher.