À la loupe
Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail
Selon une étude récente du Conseil d’analyse économique , la France travaille moins que ses voisins. Non pas que les Français soient moins assidus que les autres pays européens ou que leurs cousins américains - à qui ils sont comparés - mais parce qu’encore trop de jeunes, de seniors et de personnes peu qualifiées sont maintenus en dehors du marché du travail.
Que disent les chiffres ?
En 2023, un Français âgé de 16 à 74 ans a travaillé en moyenne 980 heures par an. C’est environ 100 heures de moins qu’un Allemand ou un Britannique, et près de 300 heures de moins qu’un Américain. Pourtant, les salariés français travaillent quasiment autant d’heures que leurs voisins quand ils ont un emploi : environ 1 600 heures par an, contre 1 900 à 2 000 heures aux États-Unis. La différence vient donc surtout du fait que moins de personnes ont un travail en France. C’est ce qu’on appelle la « marge extensive », autrement dit le taux d’emploi, qui est en-deçà.
Les jeunes, les seniors et les « peu qualifiés » sur le banc de touche
L’étude met en lumière trois grands points faibles. D’abord, l’insertion des jeunes, puisque deux ans après avoir quitté l’école autour de 18 ans, leur taux d’emploi est inférieur de 15 points à celui des jeunes Allemands et de 30 points à celui des Britanniques. Ensuite, les seniors. Même si leur taux d’activité progresse depuis vingt ans, il reste trop bas en raison notamment des départs anticipés. Enfin, ceux qu’on appelle les « peu qualifiés ». Leur situation s’est fortement dégradée, et, à titre d’exemple, les hommes peu diplômés travaillent aujourd’hui moins de 600 heures par an contre plus de 1 400 pour les titulaires d’un diplôme supérieur.
Les blocages qui freinent le plein emploi
De tels écarts s’expliquent parce que l’entrée dans l’emploi des plus jeunes reste trop tardive après les études, notamment pour ceux sans diplôme. Ensuite, parce que la formation ne correspond pas toujours aux besoins du marché du travail. Enfin, certains dispositifs, à l’instar des préretraites ou de certaines incitations financières, découragent la poursuite de l’activité. En résumé, le problème n’est pas que les Français ne veulent pas travailler, mais que le système ne parvient pas à intégrer tout le monde au bon moment.
Quels leviers d’action ?
Le Conseil d’analyse économique propose des pistes concrètes. En premier lieu, développer davantage l’apprentissage et les parcours qui associent formation et emploi, accompagner spécifiquement et quasi au cas par cas les jeunes sans qualification, investir massivement dans la formation continue des moins diplômés, et adapter les règles de retraite pour permettre aux seniors de rester plus longtemps en activité, s’ils le souhaitent. Ces leviers permettraient de mobiliser les marges inexploitées du marché du travail et d’augmenter le nombre total d’heures travaillées, ce qui améliorerait à la fois la croissance et les finances publiques.

Journaliste et cheffe d'édition
Séverine explore les domaines de l’économie, de la société, de la culture et des territoires, avec un même fil rouge : rendre l’information…