Mythes de bureau
Quand nos idées reçues sur le travail ont la vie dure
L’idée que les femmes ne seraient pas « naturellement » douées pour les métiers techniques s’accroche aux murs des entreprises comme un vieux poster défraîchi. Il est temps de la décoller une bonne fois pour toutes.
Biais cachés, talents éclipsés
Pendant des siècles, les sciences et les technologies étaient des territoires masculins. Aujourd’hui encore, les chiffres parlent : en France, à peine un quart (24 %) des emplois dans les professions du numérique est occupé par des femmes selon une étude de l’Insee datant de 2023. Pourtant, il n’existe aucun élément scientifique qui montre que le genre détermine les capacités techniques. Alors, comment expliquer ce déséquilibre persistant ? Il suffit d’observer comment, dès l’enfance, les filles se heurtent à un parcours semé de biais : des orientations scolaires cloisonnées, des doutes insidieux sur leur légitimité, des environnements techniques souvent masochistes, et surtout, un manque criant de modèles féminins visibles pour nourrir leurs ambitions.
L’effet Matilda
Et pour cause. De Rosalind Franklin, dont les travaux ont été cruciaux pour la découverte de la structure de l’ADN mais longtemps éclipsés, à Lise Meitner, pionnière de la fission nucléaire, dont les mérites ont été attribués à ses collègues masculins… L’histoire des sciences regorge d’exemples où le talent féminin est resté (trop) discret voire a été effacé. Comme s’il fallait le rendre invisible pour préserver le mythe de la supériorité masculine. Un phénomène d’invisibilisation des femmes qui porte d’ailleurs un nom : l’effet Matilda. Alors c’est vrai : pour y remédier, des lois ont vu le jour. La loi Copé-Zimmermann (2011) a imposé des quotas de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises. Plus récemment, la loi Rixain (2021) vise à renforcer la parité dans les postes de direction. Mais les résultats restent timides dans les secteurs techniques, où les mentalités évoluent moins vite que les algorithmes.
Changer le code source des mentalités
Les femmes sont toujours obligées de « faire plus » que leurs homologues masculins pour prouver leur valeur. Et c’est précisément là que réside le véritable défi : créer des environnements où elles n’ont pas à justifier leur présence, mais simplement à exercer leur métier. Comment y parvenir ? D’abord, en féminisant les équipes pour favoriser l’inclusion et lutter contre les stéréotypes. En effet, la mixité dans les équipes techniques permet de réduire les biais de conception (exemple : algorithmes biaisés, produits non pensés pour un public féminin) et favorise une innovation plus inclusive. Puis, en favorisant des programmes de mentorat et de sponsoring, comme chez IBM ou Microsoft, qui accompagnent et promeuvent activement les talents féminins. L’étude Simundia x 50inTech montre également l’impact du coaching pour lever les freins intériorisés et renforcer la confiance en soi des femmes dans la tech. Ensuite, en sensibilisant les équipes aux biais inconscients via des formations concrètes, pour instaurer des environnements inclusifs. Des initiatives comme "Girls Who Code" éveillent aussi, dès le plus jeune âge, l’intérêt des filles pour les métiers techniques. Enfin, il est essentiel de valoriser les réussites féminines, non comme des exceptions, mais comme des preuves naturelles de talent et de compétence.
Finalement, la question n’est plus de savoir si les femmes sont légitimes. Mais plutôt de trouver comment, à notre niveau, nous pouvons contribuer à ce que cette question ne se pose plus.

Experte juridique & RH
Ancienne juriste et RH, Sonia n’a jamais tourné le dos à l’entreprise… même si son rêve était d’écrire des scénarios pour le cinéma. Aujourd’hui…
Mythes de bureau
Préjugés, idées reçues, on-dit : le lieu où l’on travaille est un théâtre de « vérités » qui influencent nos manières de travailler et de vivre ensemble. Mais rien n’est tout blanc ou tout noir. Mythes de bureau apporte de la nuance là où il n’y en a pas toujours. Une manière de prendre de la hauteur sur nos comportements et nos croyances.