« Ma matière première, c’est le silence » : dans la peau d’une designeuse sonore

Un battement d’aile, un pas sur le gravier, une porte qui s’ouvre derrière vous. Elle recrée ces sons du quotidien comme une magicienne. Son métier ? La designer sonore. Elle façonne des mondes qu’on n’entend pas encore, mais qu’on ressent. Dans son journal, elle raconte la matière invisible qu’elle sculpte chaque jour : le son.

Journal d’une designeuse sonore immersif

8h03.

Je ferme les yeux. Avant de créer, j’écoute.

Le bourdonnement du frigo, la rumeur de la rue, le soupir de mon ordinateur… Tout est matériau. Le silence, c’est mon canevas.

9h27.

Dans le studio, je capture des sons bruts : un froissement de papier, une clef dans une serrure, un souffle.

J’aime ces sons imparfaits, pleins de vie. C’est un peu comme photographier le monde avec les oreilles.

10h52.

Je passe les sons bruts dans le logiciel Ableton Live, ma deuxième maison. J’étire, filtre, module.

Un pas devient un grondement, une respiration se transforme en vent.

Aujourd’hui, je crée l’univers sonore d’un jeu en réalité virtuelle : le joueur avance dans une station spatiale abandonnée. Les sons doivent le transporter, comme s’il y était.

13h04.

Déjeuner vite fait, casque encore sur les oreilles.

Je teste la spatialisation en audio 3D.

À gauche, une porte s’ouvre. Derrière, une goutte tombe. Devant, un souffle léger.

Le cerveau croit que l’espace existe. Et moi, je souris : la magie opère.

15h11.

Réunion avec l’équipe artistique. Le directeur me demande : « Tu pourrais rendre le vent un peu plus… mélancolique ? »

Je réponds : « Oui, mais il faudra lui ajouter du grave. »

Ici, on parle émotions en fréquences. C’est notre langage à nous.

17h38.

Je travaille sur un podcast immersif. Deux voix se croisent dans une ruelle fictive.

Je ferme les yeux et marche mentalement dans l’espace sonore : les pas doivent sonner différemment selon la distance. C’est du code, du mixage, du ressenti à la fois.

19h12.

Je fais un dernier test sur les enceintes d’exposition.

Le son glisse d’un haut-parleur à l’autre comme une lumière mouvante.

Quand tout s’aligne, je sens une sorte d’équilibre, comme si l’air avait pris forme.

22h03.

Je ferme les écrans, débranche mes enceintes.

Le studio redevient muet, et c’est là que tout commence.

Le silence, c’est ma matière première : c’est là que tout débute.

Demain, j’irai capter le battement d’un cœur sous l’eau.

En vérité, je ne cherche pas le bruit, juste la présence dans le vide...

 

Designer sonore immersif : le métier en clair Sa mission Créer des mondes qu’on traverse avec les oreilles. Le ou la designer sonore immersif·ve imagine et assemble les sons qui donnent vie aux jeux, podcasts ou installations. Objectif : transformer un simple bruit en émotion. Ses outils Casque sur les oreilles, il ou elle travaille entre logiciels audio (Pro Tools, Ableton, Logic) et moteurs 3D (Unity, Unreal) et sait manier la spatialisation avec l’audio 3D, le son binaural ou encore Dolby Atmos. Soft skills Curiosité, sens du détail, écoute du monde et des autres. Le designer sonore traduit des sensations en sons et garde son calme quand le rendu ne “sonne” pas encore juste. Formations Bac + 3 à 5 en design sonore, ingénierie du son ou arts numériques (ESMA, ENJMIN, INA…). Certain·es se forment via des bootcamps immersifs (Dolby Atmos, Ableton) ou par un portfolio autodidacte. Emploi et salaire Junior : 25 000 – 35 000 € brut/an Confirmé·e : 40 000 – 50 000 € brut/an Senior : jusqu’à 60 000 € brut/an, parfois plus en production internationale Freelance : 250 – 600 €/jour Tendances Le marché double presque chaque année : réalité virtuelle, podcasts 3D, installations immersives… Un métier rare, à la croisée de la création, de la technologie et de l’émotion sonore.

Hanna Grochocinska

Exploratrice RH

Elle explore les cultures du travail comme un terrain d’anthropologie contemporaine. Curieuse et aventurière, elle nous emmène dans un grand tour du…