Nouveaux métiers
Chaque semaine un métier en émergence
Un écran clignote. Un signal s’affole. Dans une salle silencieuse aux murs tapissés de moniteurs, un ingénieur lève les yeux. À 600 kilomètres au-dessus, un satellite vient de dévier. Un débris a frôlé sa trajectoire. Il recalcule l’orbite, saisit une commande. Quelques secondes plus tard, le satellite corrige sa course. Collision évitée. Silence retrouvé.
Là-haut, dans le ciel, des milliers de satellites tracent des arcs invisibles autour de la Terre. En bas, dans l’ombre, des équipes veillent. Leur top mission : garder le contrôle de ce ballet orbital, seconde après seconde. Ajuster les trajectoires, prévenir les dérives, programmer les retraits. Pas de place pour l’approximatif. Sans eux, c’est tout un pan de notre monde moderne qui vacille : communications, météo, géolocalisation, objets connectés… Ces gardiens de l’orbite assurent la fluidité du ciel… et de notre quotidien.
Le métier décrypté
On dit souvent “ce n’est pas une rocket science” pour parler de ce qui est simple. Ce métier, si. Littéralement. Surveiller un satellite, c’est déjà technique. Mais piloter une flotte entière, c’est autre chose. Des dizaines, parfois des milliers d’engins filent à 28 000 km/h autour de la Terre. Le spécialiste des opérations de constellations veille depuis sa salle de contrôle. Une variation de trajectoire, une alerte de collision, une chute de tension… et il intervient. Chaque commande compte et chaque manœuvre doit être millimétrée.
Sa priorité : assurer la sécurité, la stabilité et la performance de toute la constellation. Il suit les télémétries comme un médecin surveille un électrocardiogramme. Il ajuste les orbites, déclenche des manœuvres d’évitement, planifie la fin de vie des satellites. En 2019, l’ESA a dû modifier en urgence la trajectoire d’Aeolus pour éviter un engin Starlink. Ce genre de scénario devient la norme. En 2025, plus de 11 700 satellites tournaient déjà autour de la Terre. Les projections montent à 100 000 d’ici 2030. L’espace est devenu une autoroute invisible et chaque opérateur, un aiguilleur.
Repères Le ciel se remplit vite : 11 700 satellites en orbite basse (LEO) en 2025 |
Mais ce métier ne se résume pas à l’urgence. Il faut aussi prévoir, maintenir, fiabiliser. Cela passe par des mises à jour logicielles, la coordination du segment sol, la supervision des transmissions. Chez Kinéis, par exemple, une équipe resserrée a mis en orbite 25 nanosatellites IoT en quelques mois — un exploit européen et un modèle d’automatisation spatiale.
Lexique du métier Télémétrie : données envoyées par le satellite à la Terre pour signaler son état de santé (position, température, batterie…). |
Les compétences clés
Surveiller une constellation, c’est lire une orbite comme les médecins lisent un électrocardiogramme. Comprendre pourquoi un satellite dévie, comment il réagit à une commande, où il sera dans dix minutes. Il faut jongler entre mécanique spatiale, télécommunications, informatique embarquée et cybersécurité, tout en gardant la tête froide.
Les outils sont complexes : parmi eux, les logiciels de simulation orbitale, le traitement de télémétrie, la visualisation dynamique… Mais la vraie compétence, c’est de savoir s’en servir vite, bien et au bon moment. Une alerte de collision ne laisse pas de place au doute. Il faut anticiper, décider, exécuter. Et tout cela, rarement seul. Le travail se fait en équipe, avec les ingénieurs sol, les chefs de mission et les partenaires industriels. Chaque opération s’appuie sur des protocoles stricts. La rigueur est obligatoire.
Côté formation, plusieurs voies sont possibles : les grandes écoles comme ISAE-Supaero, IPSA ou ENSAE, des masters en aérospatiale, des certificats spécialisés, ou encore des cursus plus agiles du New Space, comme ceux proposés par Refonte Learning.
Avenir du métier et évolutions possibles
Piloter une constellation est devenu une mission d’intérêt global. Avec la montée en puissance des mégaconstellations comme Starlink, OneWeb ou le projet européen IRIS, chaque opérateur devient garant de la sécurité orbitale. Il doit éviter les collisions, planifier les désorbitations et gérer l’imprévisible. Une micro-erreur, et c’est une partie de l’infrastructure mondiale qui est fragilisée : les télécoms, la géolocalisation, la défense, la surveillance climatique…
Les défis se complexifient. Il faut désormais composer avec l’automatisation des systèmes, la cybersécurité spatiale, les protocoles internationaux et la gestion durable des orbites. Ce métier à la croisée du technique, du réglementaire et du stratégique attire des profils de plus en plus pointus.
En France, le secteur spatial prévoit plus de 25 000 embauches en 2025, dont une part significative dédiée aux opérations satellitaires. En région Occitanie, cœur du spatial français, plus de 1 000 emplois directs liés au New Space devraient émerger dans les prochaines années. Et la demande ne faiblit pas à l’international.
Les évolutions sont nombreuses : vers le métier de Responsable d’un centre d’opérations, d’un Expert en cybersécurité orbitale, d’un Architecte d’opérations multi-orbites ou encore en Consultant en régulation. Côté rémunération, un profil débutant tourne autour de 40 000 à 65 000 € bruts/an. Un senior expérimenté peut atteindre 120 000 €, voire bien plus à l’étranger.
Un métier en tension et des salaires qui décollent 25 000 embauches prévues en 2025 dans la filière spatiale française Début de carrière : 40 000 à 65 000 € bruts/an en France |

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