Générations
Quand une millennial explore le rapport au travail des différentes générations
En mars, j’ai fêté les huit ans de mon activité de freelance. Huit ans, et encore aujourd’hui, il suffit d’avoir une baisse de chiffre d’affaires pour que je me réveille le lendemain avec la boule au ventre. Pourtant, même dans ces moments angoissants, j’ai toujours du mal à m’imaginer revenir à un CDI. Plutôt ne manger que des pommes de terre en fin de mois, et prospecter comme une dingue sur LinkedIn ! Et je ne crois pas être la seule de ma génération à avoir des sueurs froides en entendant “durée indéterminée”.
Fut un temps Saint-Graal pour nos aînés, le CDI est-il désormais considéré comme totalement "has been" ?
Si l’on se penche sur les études concernant le sujet, ce n’est pas si clair que ça. Selon une enquête menée par la CCI Nantes Saint-Nazaire et le LPPL, 64,5 % des jeunes de 15 à 30 ans privilégient le CDI plutôt que toute autre forme de contrat. Un autre baromètre de l’INJEP dit même qu’ils seraient 60 % à choisir un CDI un peu moins intéressant plutôt qu’un CDD trépidant. Et quand on passe la barre des 30 ans, ce chiffre passe à 76 %. Il y a fort à parier que, si l’on pouvait remonter le temps et mener cette étude auprès de la génération X, les chiffres seraient bien plus élevés. Il suffit de voir combien mes parents ont été heureux quand je leur ai annoncé avoir signé mon premier CDI. (Vous vous en doutez, la fête est finie, depuis.)
Car, après tout, le CDI n’est-il pas censé être le mariage heureux d’un individu motivé et d’un employeur plein de bonne volonté ? En théorie, oui. Mais à l’ère où plus de 45 % des mariages finissent en divorce (et combien en triste colocation ?), les jeunes croient beaucoup moins en “l’amour pour toujours” façon Cendrillon. Bien entendu, les banques et l’assurance chômage ne l’entendent toujours pas de cette oreille. Et c’est probablement ce qui pousse bon nombre de jeunes (notamment ceux qui sont déjà engagés dans une vie de famille ou possèdent des prêts bancaires) à chercher la “sécurité” promise par un CDI. Cependant, la faille dans le système se creuse, et cette question ne devient plus celle d’une génération en particulier. Quel que soit notre âge, on cherche aujourd’hui tous à donner du sens à nos nine-to-five, à trouver de la flexibilité dans nos missions, à exercer nos différents talents.
J’ai pu en parler dans de précédentes chroniques : nos peurs de la lassitude, de la perte de sens, de l’enfermement créatif, ou encore de la panne d’évolution de carrière, n’ont pas d’âge.
Et nos rapports au CDI s’en trouvent changés : l’ère de l’adoration de la durée indéterminée est quelque peu… terminée. Alors, sommes-nous toutes et tous voués à devenir entrepreneuses et entrepreneurs, enchaîneurs de CDD, ou slasheurs et slasheuses?
En cherchant des données pour écrire cette chronique, j’ai découvert une voie alternative - pour l’heure réservée à certains métiers très précis qui sont perpétuellement en recherche de salariés. J’ai nommé, le CDI apprenant. Le concept est alléchant : l’employeur qui fait signer ce CDI à son collaborateur s’engage à le former à un nouveau métier, et à lui dispenser un diplôme ou un titre professionnel. Le collaborateur, lui, s’engage à apprendre tout au long de sa carrière dans l’entreprise, tout en bénéficiant des avantages d’un CDI intérimaire classique. Montée en compétences professionnalisante, stabilité de l’emploi, congés payés, accès aux prêts immobiliers, mutuelle… ce type de CDI semble cocher bien des cases pour nous donner de nouveau envie de nous engager dans cette voie. Pour beaucoup, il faudra rajouter bien plus de critères sur cette liste pour finir en “Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants”.
Mais n’est-ce pas déjà une belle fin que de rêver, sans anxiété, à l’engagement à durée indéterminée ?

Blogueuse RH & travail
Eléonor a une patte littéraire dans un gant de velours 2.0. Fascinée par les interactions humaines et l’univers du web, elle crée des contenus…
Générations
Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe dans la tête de vos plus jeunes collaborateurs ? Ou pourquoi vos collègues plus âgés ne semblent pas travailler comme vous ? Appartenant moi-même à la génération des millennials, j’observe avec curiosité les nouvelles interactions humaines. Avec Générations, explorons comment les différentes générations façonnent leur rapport au travail : aspirations, valeurs et modes d’interaction. Une réflexion sur ce qui nous distingue… et ce qui pourrait nous rapprocher.