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chronique - Parentalité

Reprendre le travail en cuissardes 3 semaines après un accouchement : et alors ?

femme qui s'apprête à faire un travail physique

Lorsqu’une femme reprend le travail après son accouchement, il y a toujours un débat : « trop tôt », « trop tard », « trop tout » ou au contraire « pas assez ». Et si la reprise du travail en post-partum était enfin mieux considérée et plus accompagnée ?

Il y a quelques jours, la thérapeute et créatrice de contenus Louise Chabat est apparue sur de nombreuses vidéos diffusées sur Instagram lors d’un festival dédié à la maternité. Le problème ? Elle rayonne, et elle est en cuissardes. Mais où est le problème, me demanderez-vous. Au moment où sont tournées les vidéos, elle a accouché trois semaines auparavant de son deuxième enfant. Cette apparition a suscité un tollé sur les réseaux sociaux. De nombreuses mères ont critiqué le fait qu’elle s’affiche ainsi alors que souvent, trois semaines après un accouchement, on est au fond de son lit.

Sa présence à ce festival est liée à son travail, qui consiste notamment à faire des vidéos et à parler publiquement de la parentalité. Louise Chabat reprend donc le chemin du travail trois semaines après avoir accouché, le clame haut et fort… Et se fait critiquer.

J’ai sélectionné quelques extraits des commentaires :

« J’ai deux enfants et la phase nourrisson a été de loin la plus éprouvante. Le post-partum n’est pas facile Mesdames, vous avez le droit de lever ce tabou plutôt que d’écouter des sornettes d’influenceuse qui perpétue l’omerta »

« Non, se vanter d’être à 3 semaines post-partum en cuissardes à un événement, ce n’est pas la norme. Ça perpétue l’image néfaste qui veut que la femme qui vient d’accoucher soit fraîche et sur tous les fronts. Moi, à 3 semaines post-partum […] j’attends que mon bébé dorme pour aller aux toilettes »

La plupart des critiques contiennent des expériences personnelles. Je me suis alors interrogée : est-ce que c’est Louise Chabat qui dérange ou plutôt ce que ça réveille en nous ?

Si les réseaux sociaux peuvent exacerber la comparaison, elle est loin d’être un concept récent. Dans « Rhétorique », Artistote évoquait déjà le phthonos, la douleur ressentie face à la réussite d’autrui et née de la comparaison. Alexis de Tocqueville, dans « De la démocratie en Amérique » écrit au XIVe siècle que « Les hommes, semblables et égaux, voient sans cesse d’autres hommes semblables qui ont ce qu’ils n’ont pas.”

J’ai quant à moi eu le loisir d’observer ma mère qui, bien avant que les réseaux sociaux n’existent, nous comparait régulièrement aux enfants de ses collègues de travail. Des études montrent que les comparaisons sociales ascendantes (que l’on fait avec des personnes perçues comme “mieux que nous”) diminuent l’estime de soi et augmentent la détresse émotionnelle, surtout sur les réseaux sociaux. Et plus la sphère comparée touche à des sujets identitaires, tels que la réussite professionnelle ou la parentalité, plus l’effet est fort.

Si Louise Chabat et ses cuissardes sont critiquées, il semble que le vrai problème ne soit pas là. La réalité du post-partum est abrupte pour de nombreuses mères. Selon le site Améli, 50 à 80 % des mères traverseraient un baby-blues après leur accouchement et 10 à 20 % d’entre elles une dépression du post-partum. D’après une étude de Santé Publique France, 73 % des mères se disent fatiguées pendant cette période, 39 % se sentent isolées et 33 % présentent de l’anxiété.

La réalité du post-partum reste encore taboue en France. Si de nombreux médias et influenceuses tentent de lever le voile sur ce sujet depuis quelques années, il reste encore du chemin à parcourir avant que cela n’arrive sur la table des politiques.

Ironie du sort, Louise Chabat fait d’ailleurs partie des femmes qui ont abordé leurs difficultés sans filtre et sans tabou sur les réseaux lors de sa première grossesse. Je propose que l’on choisisse plutôt de se réjouir quand une mère traverse un post-partum doux et serein. Et que l’on utilise notre colère pour faire en sorte que cette période souvent difficile soit mieux reconnue et mieux accompagnée.

Rédactrice

Sophie pensait qu’avoir un enfant ne changerait pas grand-chose. Quatre ans, deux grossesses et quelques kilos de charge mentale plus tard, elle sait…

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