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chronique - Générations

À l’Est, « plein » de nouveau : la mixité d’âges comme moteur discret de l’économie  

Mixité d’âges en entreprise en Europe de l’Est, collaboration intergénérationnelle

Brouillard sur la Vistule, cafés qui sentent le charbon, néons pâles sur des façades brutalistes. On croirait encore un plan-séquence d’espionnage : dossiers tamponnés, hiérarchies muettes, jeunisme interdit. Faux raccord. Dans les bureaux de Varsovie, Prague ou Bratislava, les âges se mélangent. Volontairement.

En 2025, les clichés ont pris un coup de vieux. Une écrasante majorité (80 %) des grandes entreprises en Pologne, Hongrie et Tchéquie ont mis des systèmes de collaboration entre juniors et seniors. Les résultats sont très concrets : stop à la rétention et à la continuité, mais surtout 35 % d’innovation en plus que les équipes moins mixtes. Dans les pays de l’Est, l’intergénérationnel n’est pas une simple déclaration RSE mais une vraie méthode.  

Des chiffres qui contredisent les clichés

À l’Est, on ne polémique pas des heures sur le vieillissement démographique. On le considère comme un vivier. Et on agit. En Hongrie, l’emploi des plus de 55 ans a bondi de 12 % en cinq ans. En Pologne, 15 % des salariés sont seniors tandis que 23 % ont moins de 30 ans. Et cette cohabitation devient une force, nourrie par la culture du retour au pays, la cohabitation familialo-professionnelle dans les Balkans, ou l’héritage de compagnonnage industriel en Tchéquie. Plutôt que d’opposer les générations, les entreprises institutionnalisent la transmission. Ainsi, la mémoire protège de l’oubli et l’audace ouvre les chemins.

Des dispositifs concrets, pas des hashtags

En Europe de l’Est, l’intergénérationnel ne se raconte pas, il s’organise. Plus de 80 % des grandes entreprises en Pologne, Hongrie et Tchéquie ont instauré des dispositifs d’échange juniors-seniors. Orange Polska a lancé Entre les générations, qui jumelle jeunes recrues et managers sur les projets digitaux. Chez Skoda Auto, la rotation inter-âges sur les lignes de production accélère la transmission. En Hongrie, OTP Bank associe juniors et seniors pour résoudre des problèmes de gestion. Et dans les Balkans, UMG Group orchestre chaque année un concours d’innovation mixte. Ce sont des rituels concrets, évalués, qui produisent des résultats tangibles.

L’intergénérationnel, antidote à la guerre des talents

Face à la fuite des talents et au manque de profils qualifiés, la coopération multi-âges devient un rempart. Deloitte et BCG chiffrent ses effets : +35 % d’innovation, +22 % d’engagement dans les équipes mêlant juniors et seniors. En Serbie, le programme Youth to Senior Exchange mobilise chaque année plus de la moitié des collaborateurs des grands groupes. Conséquence, les jeunes restent, les seniors transmettent, l’entreprise continue d’apprendre. Là où la France hésite encore, l’Europe centrale a choisi la méthode : pas de slogans, des pratiques ritualisées et mesurées.

Car l’innovation ne sort pas seulement des incubateurs ni des labos. Elle se construit aussi dans la rencontre entre un baby-boomer et un Gen Z autour d’un même projet. L’Est européen l’a compris : le collectif se renforce quand il additionne les âges plutôt qu’il ne les oppose.

 

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