À la loupe
Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail
Micro-agressions, humiliations, dénigrement, insultes ou harcèlement moral : la violence verbale se banalise. Adopté en février 2025 par le Conseil économique social et environnemental (CESE), l’avis intitulé « De la banalisation de la violence verbale au discours de haine. Décrypter, mieux agir pour restaurer le lien social » fait état d’une situation inquiétante qui impacte profondément les relations interpersonnelles et les dynamiques de travail. Un phénomène minimisé et pourtant lourd de conséquences pour les entreprises, sur le bien-être des salariés comme sur la performance économique.
La violence verbale engendre un stress chronique
Cette violence verbale au travail se manifeste sous diverses formes : micro-agressions, humiliations, dénigrement, insultes ou harcèlement moral. Un sondage de l'Ifop de 2024 révèle que 60 % des victimes de micro-agressions considèrent que cela impacte négativement leur bien-être, leur motivation et leur sentiment d'appartenance à l'entreprise, jusqu’à développer un état de stress chronique voire des syndromes de stress post-traumatique. Parmi les plus vulnérables : les femmes entrepreneuses, les personnes issues de minorités ethniques et les salariés de la fonction publique. L'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) souligne que les risques psychosociaux engendreraient une augmentation de l'absentéisme et des troubles de la santé mentale. Une détérioration du climat professionnel qui pousse parfois les salariés à quitter leur emploi, générant du turnover et des coûts pour les entreprises, contraintes de recruter et former de nouveaux collaborateurs.
Des coûts réels mais sous-évalués
L'impact économique demeure en réalité considérable. L'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail estime que les coûts liés au mal-être professionnel atteignent des milliards d'euros annuels. En France, l'INRS évalue les coûts du stress et des risques psychosociaux entre 2 et 3 milliards d'euros par an, soit l’équivalent de 3 à 4 % du PIB. Dans certains secteurs, la violence verbale entraînerait même une véritable crise du recrutement, à l’instar de l’Éducation nationale. Un rapport du Sénat de 2021 pointe une hausse de plus de 100% des demandes de protection fonctionnelle dans ce secteur en à peine quatre ans : alarmant. Cette insécurité professionnelle se retrouve également dans les services de santé, où les agressions verbales contre le personnel soignant sont de plus en plus fréquentes. Plus globalement, les violences verbales au travail influent sur la dynamique des équipes et la qualité du service rendu. La tension dans un environnement professionnel hostile impacte directement la performance et la rentabilité d’une organisation. Selon une étude de l’INRS toujours, la perte de productivité liée aux risques psychosociaux pourrait représenter jusqu’à 12 % de la masse salariale d’une entreprise.
Apprendre à gérer les conflits ?
Dans cette situation, le CESE rappelle qu’il demeure impératif qu’entreprises et pouvoirs publics agissent collégialement et concrètement. L'absence de données approfondies sur le coût économique des violences verbales est un frein à la mise en place de politiques efficaces, de prévention ou de réparation. Il est urgent de renforcer la formation à la gestion des conflits, de promouvoir une culture du respect et de sensibiliser aux conséquences des discours de haine pour garantir un environnement de travail sain et productif : les entreprises doivent mettre en place des dispositifs d’écoute et de signalement pour permettre aux victimes de s’exprimer sans crainte. Enfin, un encadrement renforcé des managers pourrait également aider à limiter ces comportements toxiques et à restaurer un climat de confiance au sein des organisations.

Journaliste
Séverine est journaliste généraliste indépendante collaborant avec divers médias régionaux et nationaux, comme le Figaro Magazine, Madame Figaro,…