35 heures et des poussettes
Le monde des parents qui tentent de maintenir l’équilibre entre carrière et parentalité
« Pas d’écran le matin », la phrase de la maîtresse claque comme une sentence. Fierté pour les uns, culpabilité pour les autres. Et si le vrai problème du rapport aux écrans de nos enfants, c’était… nos propres écrans ?
Réunion de rentrée scolaire, moyenne section de maternelle. On est en 2024. Nous, parents d’élèves, sommes inconfortablement installés sur les chaises minuscules qui habituellement accueillent nos progénitures. Nous écoutons religieusement la maîtresse. Elle évoque pêle-mêle les grands projets pédagogiques de l’année, le rappel des horaires, les sorties scolaires, le matériel à avoir… Et tout à coup, elle prononce cette phrase « je vous demande également d’éviter de mettre vos enfants devant des écrans le matin avant de venir à l’école, nous observons vraiment une différence de comportement entre ceux qui regardent des dessins animés et les autres ».
La messe est dite. Un silence empreint à la fois de culpabilité et de fierté se fait dans l’assemblée. D’un côté, les parents qui gardent la tête haute et qui approuvent. Ceux qui ont mis en place une règle bien définie telle que « pas d’écran sauf le week-end ». De l’autre côté ? Les autres. Les « coupables ». Celles et ceux qui ont lâché l’affaire.
Pourtant, lorsque j’étais enfant (et je ne suis pas si âgée), les écrans n’étaient pas un sujet. La télévision tournait en fond sonore et je regardais les dessins animés le matin avant de partir à l’école. Puis, lorsque nous avons accueilli notre premier ordinateur, la bataille qui se jouait n’était pas de savoir combien de temps j’allais pouvoir l’utiliser, mais qui de mon frère ou moi allait avoir la chance de se connecter sur MSN et d’entendre le doux bruit de connexion que seuls ceux nés avant les années 2000 connaissent bien.
Mais depuis, les nombreuses études traitant de l’impact des écrans sur les enfants ont sonné la fin de la récré. Ici, on apprend qu’avoir la télévision allumée pendant les repas en famille à l’âge de 2 ans (41 % des enfants) est associé à de moins bons scores de développement du langage au même âge. Là, que l’exposition aux écrans provoque un risque multiplié par 3 pour les troubles du langage chez les enfants de 0 à 3 ans, et x 6 si l’enfant en parle rarement avec ses parents.
Je fais partie des parents qui ont instauré la fameuse règle « pas d’écran sauf le week-end ». On y déroge rarement. Pourtant, rares sont les jours de semaine où mon fils de 5 ans ne tente pas une petite négociation. Même si j’argumente en rappelant le cadre. Même si j’explique que ce n’est pas bon pour son cerveau. Et vous savez quoi ? Je comprends qu’il ne comprenne pas.
Car les écrans sont partout dans ma vie et dans celle de son père. Et comme dit Ben Mazué dans sa chanson Quand je marche : « les gamins, c'est fait de ce que je fais, pas fait de ce que je veux, encore moins fait de ce que je dis ». Évidemment.
Pour connaître la météo et savoir comment je l’habille ? Direction l’application météo de mon téléphone. Pour aller à l’anniversaire d’un copain à lui ? J’active Waze sur mon téléphone. Pour que l’on cuisine ensemble ? Je cherche une recette sur mon téléphone. Pour écouter de la musique ? Je connecte l’enceinte Bluetooth à mon ordinateur. Quand je lui dis « là, je suis en train de travailler », je le fais en tapant sur le clavier de mon ordinateur. Quand je veux connaître l’heure, j’ai honte de le dire, mais il n’y a pas d’horloge chez moi... je regarde mon téléphone ou mon ordinateur ! Je suis obligée d’arrêter cette liste non-exhaustive ici, car sinon, il ne s’agirait plus d’une chronique mais d’un essai en trois tomes.
Et je n’ai pas parlé des nombreuses fois où je scrolle machinalement devant mes enfants et que mon fils se poste derrière moi en me demandant : « c’est qui, cette personne sur la vidéo ? ». J’ai tellement honte que je n’ai jamais osé répondre « je ne sais pas ». Alors que souvent, la réalité, c’est que la personne sur la vidéo, je ne sais pas qui c’est. À force de me voir faire, il sait faire, aussi. Mon fils de 5 ans sait swiper et utiliser Spotify sans problème et là aussi, j’ai honte de le dire.
Début 2025, dans la liste de mes objectifs annuels, j’avais inscrit : « ne pas utiliser mon téléphone le soir tant que les enfants ne sont pas au lit ». Pour plus de cohérence et pour éviter le fameux effet miroir, il me reste donc encore trois mois pour y parvenir.

Rédactrice
Sophie pensait qu’avoir un enfant ne changerait pas grand-chose. Quatre ans, deux grossesses et quelques kilos de charge mentale plus tard, elle sait…
35 heures et des poussettes
Vous jonglez entre réunions et changements de couches ? Vous négociez des contrats tout en faisant les devoirs préparant des biberons ? Cette chronique est faite pour vous ! Plongez dans le grand bain de la parentalité où carrière et famille se disputent la vedette. Rejoignez-nous pour des discussions franches, des astuces pratiques et une bonne dose d'humour.