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Article - Métier

Est-ce que je fais un bullshit job ? Le jour où j’ai dû expliquer mon travail à mon fils

Une mère explique à son enfant l’utilité de son travail

35 heures et des poussettes 

Le monde des parents qui tentent de maintenir l’équilibre entre carrière et parentalité

Comment expliquer son métier à un enfant lorsque celui-ci n’a rien d'immédiatement compréhensible et concret ? Une plongée dans le regard innocent,ilara et souvent hnt, de ceux qui nous ramènent à l’essentiel : les enfants.

Un bullshit job, selon l'anthropologue états-unien David Graeber, inventeur de cette expression, est « un boulot si inutile que même le salarié ne peut en justifier l’existence, bien que le contrat avec son employeur l’oblige à prétendre qu’il existe une utilité à son travail ». Depuis longtemps, je voyais passer cette expression sans me sentir concernée. Et puis, un jour, mon fils m’a demandé ce que je faisais comme travail. Pour la première fois, je me suis interrogée : est-ce que je fais un bullshit job ?

En plus d’écrire sur le travail et la parentalité, je suis consultante en communication. Pour mes clients, j’élabore (entre autres) des stratégies de communication, je rédige des newsletters et je crée du contenu pour les réseaux sociaux. J’adore mon travail, mes clients, la liberté avec laquelle je gère mon quotidien… Mais face à mon enfant de 3 ans à l’époque, je me suis sentie démunie. Puis-je justifier l’existence de mon travail ? 

Le contraste avec le travail de son père est d’autant plus saisissant qu’il est directeur d’un restaurant. Rien de plus concret pour un enfant qui va voir régulièrement son père au travail. Il peut observer, de manière tangible, les clients, la cuisine, les plats, le service… Son père exerce une profession qui nourrit des gens.

J’ai poursuivi ma réflexion. Qu’aurais-je répondu si j’avais été chirurgienne ou infirmière ? Je soigne les gens. Garagiste ? Je répare des voitures. Avocate ? J’aide les gens à se défendre quand ils ont des problèmes. Des choses visibles, utiles, essentielles.  Alors plus tard, quand il a été en âge d’en saisir les contours, je lui ai expliqué le concept de la publicité. Puis, je lui ai demandé à nouveau ce que je faisais comme travail. Sa réponse ? « Tu travailles sur ton ordinateur et tu fais des glaces ». Le message n’était donc pas passé et sans m’en rendre compte, j’ai brouillé les pistes en lui montrant les vidéos d’un tournage chez un artisan glacier.

J’ai décidé de mener l’enquête du côté des réseaux sociaux en demandant à des parents comment leurs enfants décrivent leur travail. Et les réponses m’ont fait sourire.

Louise, 4 ans : « tu fais manger les bébés pour qu’ils grossissent » (vraie profession : conseillère en allaitement)

Charlotte, 4 ans : « Maman fait travailler les gens dans les petits avions et Papa c’est dans les gros mais il est toujours avec son collègue » (vraie profession : technicienne d’ordonnancement avion sur le programme A320 et câbleur sur le programme A350)

Axel, 7 ans : « tu disputes les grands parce qu’ils font des bêtises » (vraie profession : formatrice en CFA)

Victor, 6 ans : « tu es devant ton ordinateur et tu parles à des gens » (vraie profession : responsable commerciale)

Lucie, 3 ans : « tu démolis des maisons mais seulement s’il n’y a personne dedans » (vraie profession : bureau d’études en démolition)

Maël, 5 ans : « tu es docteur des émotions » (vraie profession : kinésiologue)

Susie, 7 ans : « tu aides les autres maîtresses et tu discutes avec le ministre » (vraie profession : syndicaliste dans l’Éducation nationale)

Théo, 6 ans : « comme moi, tu es déléguée » (vraie profession : déléguée territoriale à l’animation)

Isaac, 3 ans : « Maman, elle fait la fête » (vraie profession : chargée de communication dans une salle de spectacles et événementiel)

Lucas, 5 ans : « Papa fait des trous et Maman donne des sous aux gens » (vraies professions : terrassier dans le BTP et conseillère bancaire)

En lisant ces réponses, je me suis rendue compte à quel point les enfants ont cette faculté à simplifier ce que nous, adultes, rendons souvent si compliqué. À leurs yeux, on démolit des maisons, on fait grossir des bébés ou on fait la fête. Derrière leurs interprétations, il y a une réalité : nos métiers ne sont pas bullshit puisqu'ils sont capables, avec leurs mots, de les raconter. Cela m’a aussi permis de repositionner quelque chose que j’ai tendance à oublier : non, la communication n’est pas inutile. Ce n’est peut-être pas essentiel au sens strict du terme, mais sans moi ou mes collègues, comment ferait notre fameux artisan glacier pour dire aux gens que ses glaces existent ? 

Il semblerait que finalement, le regard et les mots de nos enfants nous aident à nous rappeler l’essence même de ce que nous faisons. Le fameux « pourquoi » qu’on oublie parfois, et qu’il est bon de retrouver !

Rédactrice

Sophie pensait qu’avoir un enfant ne changerait pas grand-chose. Quatre ans, deux grossesses et quelques kilos de charge mentale plus tard, elle sait…

35 heures et des poussettes 

Vous jonglez entre réunions et changements de couches ? Vous négociez des contrats tout en faisant les devoirs préparant des biberons ? Cette chronique est faite pour vous ! Plongez dans le grand bain de la parentalité où carrière et famille se disputent la vedette. Rejoignez-nous pour des discussions franches, des astuces pratiques et une bonne dose d'humour.

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