À la loupe
Chaque semaine ce que nous disent les chiffres et les études sur le monde du travail
Les seniors à la reconquête du marché du travail ? C’est en tout cas ce que révèle l’étude « Emploi, chômage, revenus du travail » publiée en 2024 par l’Insee . Dans un contexte de mutations, la place des seniors sur le marché de l’emploi ne cesse de croître, avec un taux d’activité atteignant 70,5 % chez les 50-64 ans, un niveau inédit. Conjoncture économique - accentuée par un effet réforme des retraites qui inquiète autant qu’il impacte l’âge de départ – mais aussi volonté de rester actifs pour certains, les seniors doivent aussi faire face à de nombreux défis : des stéréotypes pugnaces, et un accès à l’emploi moins aisé.
Des taux d’activité en forte progression
Entre 2000 et 2023, le taux d’activité des 50-64 a progressé de 17 points, un record selon l’Insee, avec un pic à 81% pour la sous-tranche des 55-59 ans. Une dynamique encore plus marquée pour la tranche suivante, celle des 60-64 ans, avec 41,6 % d’actifs en 2023 contre seulement 11,6 % en 2000. A noter que depuis un an, cette catégorie d’âge enregistre même une hausse de 2,7 points, qui traduit l’impact immédiat et direct de la récente réforme des retraites. Enfin les 65-69 ans, bien qu’en marge, voient eux aussi leur taux d’activité tripler en vingt ans pour atteindre 11,1 %.
Les séniors peinent à convaincre les employeurs
L’emploi des seniors est une réalité, mais leur expérience sur le marché du travail reste assez contrastée. Au-delà de 55 ans, retrouver un emploi lorsqu’il y a eu rupture dans la carrière devient un véritable parcours du combattant. Même si les employeurs restent conscients des atouts que représentent l’expérience accumulée, la fidélité et la maîtrise des savoir-faire, ils « peinent » à intégrer les seniors dans leurs stratégies RH, ce qui freine leur embauche. La raison ? Des préjugés persistants, et qui font mal : manque d’adaptabilité, coût salarial trop élevé, ou un supposé éloignement des outils numériques.
Travailler après la retraite : une nécessité financière dans quatre cas sur dix
Les retraités qui poursuivent une activité professionnelle représentent un vrai sujet dans notre société contemporaine. Si 38 % le font par besoin d’un revenu complémentaire, 36 % y trouvent une source de satisfaction, que ce soit pour le simple plaisir de travailler (pour 21% d’entre eux) ou afin de maintenir du lien social (pour les autres 15 %).
L’Insee précise que les retraités contraints par la nécessité financière sont majoritairement issus de professions ouvrières, employées ou intermédiaires. À l’inverse, ceux qui continuent à travailler par goût sont plus souvent d’anciens cadres ou indépendants, 46 % d’entre eux étant des diplômés du supérieur. Autre distinction : le poids des charges financières, puisque 23 % des retraités ayant un besoin financier remboursent encore un prêt immobilier et 21 % sont locataires, contre respectivement 11 % et 13 % chez ceux pour qui c’est un choix.
Un actif sur trois aura plus de 50 ans d’ici 2030
Constat implacable : avec le vieillissement de la population et les tensions sur le marché de l’emploi, intégrer durablement les seniors est désormais un impératif. Selon les dernières projections de la population active réalisées par l’Insee, qui tiennent compte des effets de la réforme des retraites mise en œuvre fin 2023, le taux d’activité des seniors poursuivrait une progression assez franche en France ces dix prochaines années. À plus court terme, d’ici 2030, on estime même qu’un actif sur trois aura plus de 50 ans. Assurer la pérennité des systèmes sociaux actuels et bénéficier des compétences et savoir-faire de toute une génération, un double défi qui s’impose aux acteurs publics comme privés.

Journaliste
Séverine est journaliste généraliste indépendante collaborant avec divers médias régionaux et nationaux, comme le Figaro Magazine, Madame Figaro,…