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Article - Sciences

L’effet Zeigarnik : pourquoi notre cerveau n’aime pas l’inachevé

Femme fermant la porte vitrée d’un bureau moderne, symbole de la clôture d’une tâche

Dans nos cerveaux

Les sciences cognitives et comportementales pour comprendre nos décisions

Imaginez-vous devant votre ordinateur un vendredi soir, l’esprit encore occupé par cette présentation à terminer, ce rapport en attente et ces mails laissés sans réponse. Cette sensation familière d’inachèvement qui vous suit jusqu’à la maison a un nom : l’effet Zeigarnik. Comprendre le mécanisme de ce biais peut transformer votre rapport au travail et celui de vos équipes.

L'effet Zeigarnik : le rappel insistant de l'inachevé

En 1927, la psychologue russe Bluma Zeigarnik fait une découverte étonnante en observant des serveurs dans un café à Vienne. Elle remarque qu’ils mémorisent parfaitement les commandes en cours, mais oublient instantanément celles qui sont réglées. Cette observation la conduit à une expérimentation qui révèle une loi fondamentale : nous nous souvenons deux fois mieux des activités inachevées que de celles accomplies.

Et les neurosciences le confirment : lorsqu'une tâche est initiée, notre cerveau génère une forme de tension psychologique. Cette tension agit comme une "petite alarme" dans notre esprit, nous incitant fortement à terminer ce qui a été commencé. Tant que la boucle n'est pas "fermée", cette tension persiste, accaparant notre mémoire et augmentant notre charge mentale. Plus nous sommes consciencieux, plus cette tension est forte; le stress persiste jusqu’à la clôture de la mission.

La dopamine : l'hormone du "travail accompli"

Au cœur de cet effet, agit un neurotransmetteur essentiel au plaisir, à la motivation et à la récompense : la dopamine. Cette "molécule du plaisir" est libérée dans le "circuit de la récompense" lorsque nous atteignons un objectif, même minime, renforçant ainsi la sensation d'accomplissement et de plaisir. Ce mécanisme nous pousse à reproduire le comportement qui l'a déclenché. Lorsqu’il est bien géré, cet effet puissant devient moteur de motivation et de satisfaction continue. À l'inverse, tant que la tâche n’est pas terminée, demeure une tension cognitive qui nous pousse à y revenir pour soulager la frustration.  

L’impact des boucles ouvertes dans les organisations

En environnement professionnel, cet effet neurobiologique prend une dimension critique. Les boucles inachevées créent une “charge mentale” qui peut rapidement devenir toxique. Chaque boucle inachevée (indécision, flou, manque de communication…) mobilise de l’énergie et réduit celle nécessaire pour d’autres activités : écoute, réflexion, créativité. Cette tension cognitive permanente altère la performance et l’innovation. Se focaliser sur les sujets en suspens rend difficile le passage à autre chose et augmente le risque de stress.

Comment "fermer les boucles" et booster votre bien-être ?

Les neurosciences offrent des pistes concrètes pour transformer cette contrainte en source de performance. Bien entendu, en amont d’un projet, consacrer du temps à définir des objectifs précis et de qualité contribue à identifier clairement le moment où ces objectifs seront justement atteints, et donc accentue le sentiment de satisfaction. Ensuite, une piste consiste à découper le travail en jalons clairs. Cette approche exploite positivement l'effet Zeigarnik en créant de « micro-accomplissements » réguliers qui maintiennent la motivation. Autre outil, la technique de « fermeture cognitive ». Elle revient à créer des rituels de fin qui signalent explicitement au cerveau la clôture d’une activité. Ces rituels peuvent inclure la mise à jour d’un tableau de bord, la rédaction d’un compte rendu, ou tout simplement, le rangement symbolique d’un dossier. Le feedback et la reconnaissance, dans le cadre du retour d’expérience, valident explicitement la fin d’une mission et clôturent cette boucle.

Au-delà des techniques individuelles, c’est toute la culture d’entreprise qui peut être repensée à l’aune de ces découvertes. À travers des processus clairs et partagés, en développant l’autonomie et la responsabilité, en célébrant l’avancement des projets, c’est en réalité l’entreprise dans son entièreté qui bénéficie de l’effet Zeigarnik. 

Expert sciences & travail

Ce qui l’intéresse, ce n’est pas tant la communication en surface que ce qui se joue en profondeur : les perceptions, les mécanismes cognitifs, les…

Dans nos cerveaux

Au travail comme à la maison, les sciences cognitives et comportementales nous permettent de comprendre de plus en plus finement la complexité de nos comportements et des processus cognitifs qui les sous-tendent. Mémoire, fonctionnement psychologique et organisationnel, charge mentale ou charge émotionnelle : chaque chronique explore les méandres de l'esprit humain à travers le prisme des sciences cognitives et comportementales.

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