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Article - Sciences

Éco-anxiété, solastalgie : les nouveaux maux du cerveau

Homme méditant en pleine nature, yeux fermés, illustrant la gestion de l’éco-anxiété

Dans nos cerveaux

Les sciences cognitives et comportementales pour comprendre nos décisions

L’éco-anxiété est un terme qui s’est largement popularisé depuis 2019 pour décrire une forme de détresse liée aux enjeux écologiques. Il n’en existe pas de définition consensuelle et scientifique, et l’éco-anxiété n’est pas reconnue comme un trouble mental selon l’OMS. Néanmoins, elle touche une grande partie de la population. Une étude de 2021 réalisée auprès de 10 000 jeunes et parue dans The Lancet Planetary Health  montre que 84 % d’entre eux se déclarent inquiets face au changement climatique, avec des répercussions significatives sur leurs vies professionnelle et personnelle. Pourtant, comprendre et gérer son éco-anxiété permet de la transformer en une force motrice pour l'action individuelle comme collective.

Une anxiété d’anticipation

Globalement, l'éco-anxiété se réfère à l'anxiété liée aux crises environnementales, y compris le changement climatique, la destruction des écosystèmes, la perte de biodiversité, et la pollution (selon la définition de Clayton & Karazsia en 2020). Elle est souvent décrite comme une anxiété d'anticipation, une inquiétude pour l'avenir en raison de menaces environnementales imminentes. L’éco-anxiété n’est pas une pathologie, mais une réponse normale et rationnelle face à la gravité avérée des menaces environnementales.

Éco-Anxiété et Solastalgie: deux émotions distinctes

L'éco-anxiété se distingue de la solastalgie, bien que ces termes soient parfois utilisés de manière interchangeable. La solastalgie, néologisme créé par Glenn Albrecht, se réfère à la tristesse causée par la perte ou la dégradation d'un lieu cher en raison du changement climatique (la forêt détruite de votre enfance ou la plage perdue de vos vacances). La solastalgie est tournée vers le passé alors que l'éco-anxiété est une anxiété d’anticipation d’un avenir sombre.  Ces deux émotions sont des réponses normales d’adaptation face aux bouleversements écologiques : la conscience de signaux objectifs de dégradation des situations climatiques nous enjoint à réagir afin de nous adapter.

Manifestation de l’éco-anxiété

L’éco-anxiété peut se manifester par des troubles : cognitifs ou émotionnels (peur, colère, culpabilité, ruminations, tristesse ou désespoir), physiques (insomnies ou attaques de panique) et/ou comportementaux (addictions, troubles alimentaires, isolement social, difficultés relationnelles). Selon Henri Laborit, éminent neurobiologiste français, ces symptômes sont liés aux réponses classiques du stress : fuite, inhibition et lutte. L'éco-anxiété, lorsqu’elle se manifeste à un niveau élevé, peut prendre la forme de déni (fuite), d’une paralysie de l’action (inhibition) ou d’extériorisation plus ou moins contrôlée de l’énergie (lutte, critique, recherche de coupables voire violence). Les recherches en neurosciences cognitives et comportementales ont démontré que le stress chronique, tel que celui associé à l'éco-anxiété, peut altérer les fonctions cognitives et affecter la santé mentale (selon Lupien et al., 2009). Cependant, des stratégies de régulation émotionnelle et de soutien social peuvent atténuer ces effets négatifs.

En faire en levier constructif

L’éco-anxiété, si elle est gérée à un niveau approprié, peut en revanche devenir un formidable moteur de l’action individuelle et collective. Pour en faire un levier constructif, plusieurs stratégies peuvent être mises en place :

  1. Reconnaître la validité de l’expérience émotionnelle
  2. Engager une forme constructive d’espoir : cultiver un espoir réaliste qui repose sur une compréhension claire des problèmes et des solutions possibles. L'espoir est une émotion mobilisatrice qui peut contribuer à réduire le stress (Snyder 2000)
  3. S’engager dans l’action individuelle ou collective : l'action, qu'elle soit individuelle ou collective, est essentielle pour transformer l'anxiété en énergie positive. Une étude parue en janvier 2024 sur le site Louvain Médical explique que l'engagement pro-environnemental augmente le sentiment de contrôle et réduit l'anxiété.
  4. Porter son attention sur le présent car il demeure la seule temporalité dans laquelle nous pouvons agir et contribuer à transformer notre environnement
  5. Se connecter avec d'autres personnes partageant les mêmes préoccupations peut renforcer le soutien social, un facteur clé de résilience face au stress, toujours selon l’étude parue en janvier 2024 sur le site Louvain Médical
  6. Prendre soin de sa santé mentale quitte à consulter un spécialiste si l’angoisse est trop importante.

    L’action et l’entourage permettent de réguler le stress lié à l’éco-anxiété. À votre échelle ou celle de votre communauté, quid de vos engagements pour réduire votre éco-anxiété et décider de passer à l’action ?

Rédacteur

Michel Abitteboul est consultant en communication et expert en neurosciences. Il a dirigé la communication de grandes entreprises internationales…

Dans nos cerveaux

Au travail comme à la maison, les sciences cognitives et comportementales nous permettent de comprendre de plus en plus finement la complexité de nos comportements et des processus cognitifs qui les sous-tendent. Mémoire, fonctionnement psychologique et organisationnel, charge mentale ou charge émotionnelle : chaque chronique explore les méandres de l'esprit humain à travers le prisme des sciences cognitives et comportementales.

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